Le ministre des Transports Philippe Tabarot va convoquer lundi les dirigeants d’Air Francepour avoir des explications” après la publication d’une enquête sur le harcèlement sexuel au sein de la compagnie aérienne tricolore par la cellule investigation de Radio France.

Six hôtesses de l’air et une commandante de bord, qui ont accepté d’être citées par leur vrai prénom dans l’enquête de Radio France, dénoncent des comportements sexistes voire de harcèlement et d’agressions sexuelles, parfois avec des attouchements forcés, de la part de pilotes ou de stewards. Deux d’entre elles expliquent avoir porté plainte devant la justice et six ont signalé les faits à la direction d’Air France, sans conséquence pour les agresseurs présumés.

Agressions et harcèlement, c’est une culture d’entreprise, connue et valorisée. Moi, de façon très ordinaire, je me suis faite toucher, tripoter, insulter, traitée de ‘pute'[…] J’ai des collègues qui se sont frottés à moi, qui m’ont plaquée à une cloison, qui ont collé leur bassin contre mes fesses en me donnant un coup de rein. À chaque fois qu’il m’est arrivé quelque chose, c’était vu comme quelque chose de super drôle. Dans ces conditions, comment se plaindre ?“, témoigne Caroline, hôtesse au longue carrière chez Air France.

Les pilotes sont tout puissants
Selon un rapport d’audit daté de septembre 2024, commandé par le Comité social et économique d’Air France, auquel Radio France a pu avoir accès, les victimes de violences sexistes et sexuelles gardent le silence par “peur” que “leur signalement ne soit pas pris au sérieux“.

Toujours selon ce rapport d’audit près de la moitié des hôtesses et stewards qui opèrent sur longs courriers estiment que leurs relations avec les pilotes sont gênantes ou très gênantes. Il conclut même à un “statut de toute-puissance des pilotes“, “entretenu par la direction“. Au-delà, les auteurs du rapport pointent un “contexte de permissivité vis-à-vis des actions les plus graves et les plus condamnables“.

Lucie, commandante de bord, confirme la protection dont bénéficient les pilotes : “Je suis commandant de bord instructeur. S’ils font ça avec moi, qui suis leur supérieure hiérarchique, je vous laisse imaginer leur comportement avec les hôtesses. A chaque fois que j’ai subi ce genre d’évènement, j’ai signalé les faits à la direction, mais il n’y a jamais de sanction. Je suis même allée voir Anne Rigail [DG d’Air France, ndlr] en personne, récemment, pour l’alerter sur la situation. Mais rien ne bouge. On ne peut rien faire. Les pilotes sont tout puissants“.

L’enquête intitulée “Air France face à la vague MeToo” est à écouter ou lire sur le site de France Inter. La compagnie aérienne tricolore dément catégoriquement protéger les agresseurs, et assure appliquer “la tolérance zéro“, avec “des sanctions qui peuvent aller de la lettre d’observation au licenciement“. A BFMTV, elle explique avoir conduit 18 enquêtes relatives à des signalements de harcèlement sexuel ou agissement sexiste en 2023 et 2024, et 11 sanctions disciplinaires ont été prononcées, incluant des licenciements.

Harcèlement sexuel, une culture d'entreprise chez Air France : "Les pilotes sont tout puissants" 1 Air Journal

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