La section Air Austral du Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL Air Austral) a annoncé dans un communiqué aujourd’hui leur inquiétude concernant leur avenir et celui de la compagnie. Le syndicat réclame d’être « enfin associé à la restructuration et au développement d’Air Austral ».

Le SNPL Air Austral souhaite « attirer l’attention de la Région Réunion, de ses actionnaires privés et surtout des Réunionnais, sur la situation actuelle » de la compagnie réunionnaise Air Austral, et sur le plan de retournement qui est à l’œuvre, et ce alors qu’il avait annoncé en mai dernier avoir concédé une baisse de leurs salaires pour sauver leurs emplois dans le cadre du plan de redressement de la compagnie réunionnaise en difficultés. Ce qui avait permis d’éviter une grève in-extremis. Dans les termes de cet accord, les pilotes ne reçoivent pas de 13e mois pendant deux ans, et ont six jours de congés en moins. Le seuil de déclenchement des heures supplémentaires a aussi été relevé.

« Après avoir demandé des efforts à ses employés, qui ont accepté une baisse de leur salaire en signant un troisième Accord de Performance collective d’une durée de deux ans (APC) ; et après leur avoir fait sous-entendre qu’ils construiraient ensemble l’avenir de la compagnie, force est de constater que la direction et ses actionnaires travaillent de manière peu transparente, et sans tenir compte des remarques de leurs employés », déplore le syndicat de pilotes.

À maintes reprises, le SNPL Air Austral a alerté la Région Réunion sur certains points du plan de retournement qui semblent « très questionnables ». Il en a dressé ses griefs dans une liste :

1- « Investir des sommes considérables dans le cabinet Aérogestion, dirigé par Marc Rochet et qui :

  • a été jusque très récemment, rappelons-le, directement lié à des compagnies concurrentes d’Air Austral ;
  • ne semble pas, à ce jour, avoir apporté d’économies significatives ;
  • ni proposé de solution pour résoudre, sur le long terme, les pertes financières liés aux problématiques des appareils A220 ;
  • propose de supprimer notre offre sur des axes forts comme la liaison entre Mayotte/Paris ;
  • ne veut pas augmenter notre offre sur des lignes fortement demandées en période de pointe comme le Réunion/Bangkok; et s’oppose également aux affrètements pour assurer le transport de nos passagers en cas de panne d’avion. »

2- « La venue d’un nouveau membre du Directoire, amené semble-t-il à en prendre la présidence, qui au vu de son CV, n’a fait que de brefs passages en tant que dirigeant au sein des compagnies aériennes Air Caraïbes et CMA-CGM Air Cargo. Son manque d’expérience à ce poste ne peut donc qu’inspirer le doute quant à la plus-value qu’il pourrait apporter à notre compagnie, en grande difficulté. » Le syndicat évoque Hugues Marchesseaux, un proche de Marc Rochet (ancien patron d’Air Caraïbes et de French Bee ), qui devrait reprendre la présidence d’Air Austral, et ainsi succéder à Joseph Bréma, dont la démission a été annoncée le 8 octobre dernier.

3- « Le projet de renouvellement de la flotte et les axes stratégiques du réseau Air Austral, qui sont les éléments essentiels garantissant la pérennité de la compagnie, ne sont pas partagés avec les Organisations Syndicales dans le cadre du plan de retournement et de développement. » Le SNPL Air Austral se dit également « très surpris, pour ne pas dire irrité de ne pas faire partie de la construction de ce plan censé sauver Air Austral, surtout après avoir consenti aux efforts demandés dans le cadre du dernier APC ».

Le SNPL Air Austral tient également à alerter sur la dégradation grandissante du climat social depuis plus de deux ans, sur fond de rumeurs et d’incertitudes, atmosphère qui se détériore encore, engendrant une angoisse constante quant à l’avenir de la compagnie et celui des employés. « Cette ambiance anxiogène ne contribue pas à la sérénité nécessaire pour maximiser la sécurité des vols », pointe le syndicat.

« De plus, il est regrettable de voir en miroir certaines compagnies aériennes concurrentes ayant des dettes supérieures à celle d’Air Austral, plusieurs fois au bord du gouffre, continuer à développer leur offre et renouveler leur flotte d’avions alors qu’Air Austral, pendant ce temps, fait du surplace, voire perd des parts de marché sur l’axe avec la métropole. » « L’attrition, voire la disparition d’Air Austral, qui est un acteur majeur tant pour le rayonnement de la France dans l’Océan Indien, que pour la connectivité de l’île de la Réunion et pour son environnement économique régional, et sans oublier le rôle sociétal essentiel pour l’île, serait une catastrophe de plus pour nos Outre-mer », ajoute le SNPL, qui souligne aussi son « rôle primordial d’Air Austral pour le désenclavement de Mayotte ».

Détenue à 55% par la société RunAir, rassemblant des investisseurs réunionnais, et à 44% par la Sematra, société d’économie mixte (région, département, Caisse des Dépôts), Air Austral est sortie très lourdement endettée de la crise du Covid-19, qui l’a mise complètement à l’arrêt. Elle cumulait 300 millions de dettes avant de bénéficier de multiples aides publiques puis d’être restructurée début 2023 sur fond d’apport de capitaux privés. L’Etat, qui a renfloué Air Austral à hauteur de 100 millions d’euros de créances, la somme de réviser de fond en comble ses activités et son management pour redevenir viable financièrement. Le 7 mars dernier, le conseil de surveillance de la compagnie aérienne avait validé un plan de restructuration présenté par la direction. Outre l’injection de 10 millions d’euros supplémentaires au capital, il prévoyait une réduction conséquente de la masse salariale et une reprogrammation des plans de vol afin de privilégier les lignes les plus rentables.

Les pilotes d'Air Austral, « très inquiets », dénoncent la stratégie de la direction 1 Air Journal

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