En neutralisant des centaines de membres du Hezbollah au Liban grâce à des bipeurs et talkies-walkies piégés à l’explosif, l’Etat hébreu a-t-il détruit la sûreté aérienne ?
La question mérite d’être posée, la menace étant réelle. Tout l’arsenal de mesures et procédures de contrôle mis en place pour protéger le transport aérien serait désormais désuet face à ces petits appareils piégés, apparemment indétectables aux scanners de sûreté des aéroports. Anticipant le danger, Emirates, la plus importante compagnie aérienne du Proche-Orient, a annoncé hier interdire à ses passagers de transporter des bipeurs et des talkies-walkies à bord de ses avions, en soute tout comme en cabine.
«Tous les passagers voyageant sur des vols à destination, en provenance ou via sa base de Dubaï ont interdiction de transporter des bipeurs et des talkies-walkies dans leurs bagages ou en cabine», a indiqué la compagnie aérienne émiratie dans un communiqué. Les bipeurs permettent de recevoir messages et alertes sonores en utilisant leur propre fréquence radio, hors réseaux de téléphonie mobile, sans risquer d’être écouté. Un boîtier piégé peut alors être déclenché à distance via sa fréquence radio, lorsque l’avion est en phrase de décollage ou d’atterrissage à portée au sol, comme c’était le cas pour les appareils des membres du Hezbollah.
Selon l’agence Reuters, citant deux sources du Hezbollah, les bipeurs piégés avaient bien été balayé au scanner pour détecter d’éventuels traces d’explosifs ou des mouchards, avant d’être distribués aux membres du parti pro-iranien. Le service de sécurité du Hezbollah avait examiné ces boîtiers de communication après leur livraison au Liban à partir de 2022, envoyant même des membres se déplacer dans les aéroports munis de ses appareils pour s’assurer qu’ils ne déclencheraient pas d’alarmes aux portiques de sécurité.
Les batteries de ces boîtiers piégés étaient imprégnées d’un composé hautement explosif connu sous le nom de PETN, a affirmé à Reuters une autre source libanaise connaissant les composants. Jusqu’à trois grammes d’explosifs cachés dans les bipeurs n’ont pas été détectés pendant plusieurs mois par le Hezbollah. Au total, les journalistes de Reuters se sont entretenus avec six sources connaissant bien les détails des dispositifs explosifs.
A chaque nouvelle menace, la sûreté aérienne adopte de nouvelles mesures. A l’exemple d’Emirates, d’autres compagnies aériennes vont certainement bannir bipeurs et talkies-walkies à bord. Déjà, en 2017, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis avaient temporairement interdit les ordinateurs portables et tablettes en cabine sur les vols directs en provenance de dix aéroports dans huit pays musulmans. Quand à la compagnie aérienne israélienne El Al, elle oblige des passagers (surtout non-israéliens) à déballer leurs affaires avant l’embarquement, allant jusqu’à peser sur une balance numérique tout appareil électronique -y compris une souris d’ordinateur- pour vérifier si son poids correspond à celui du fabricant.
Si Israël n’a pas détruit la sûreté aérienne, sa guerre contre le Hezbollah va pousser les régulateurs à revoir les procédures de contrôle -toujours de façon chronophage pour les passagers. Alors que les compagnies aériennes s’apprêtent à adopter le réseau Starlink permettant une communication téléphonique permanente dans le ciel, verra-t-on un jour l’interdiction des smartphones en avion ?
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