La Commission européenne a autorisé plusieurs mesures d’aides d’Etat en faveur des aéroports français de Beauvais et de La Rochelle. Mais dans le cas de ce dernier, elle juge que les aides reçues par les compagnies aériennes Ryanair et Jet2 étaient incompatibles avec les règles de l’UE : la France doit « récupérer » auprès des deux low respectivement environ 8,4 millions d’euros et 81.000 euros.

En vertu des règles de l’UE en matière d’aides d’État, la Commission européenne a autorisé le 26 juillet 2022 celles accordés entre 2001 et 2012 en faveur de Beauvais-Tillé et de La Rochelle-Ile de Ré. Dans le premier cas, une enquête approfondie avait été lancée en mai 2012 en vue de déterminer si « les accords financiers entre les pouvoirs publics français et l’aéroport de Beauvais, de même que les remises et les accords de commercialisation conclus entre cet aéroport et ses compagnies aériennes clientes », étaient conformes aux règles de l’UE en matière d’aide d’État. Entre 2001 et 2012, les pouvoirs publics régionaux et locaux français avaient octroyé des subventions d’investissement (sous forme de trois programmes d’investissement pour la modernisation et construction d’infrastructures à l’aéroport de Beauvais) et d’exploitation (sous forme de subventions directes, d’avances de trésorerie et de prise en charge partielle de dépenses liées à la promotion du tourisme) aux exploitants de l’aéroport Tillé.

La Commission explique dans son communiqué avoir considéré qu’une partie de ces subventions – un des trois programmes d’investissement, les subventions d’exploitation, une partie des avances de trésorerie et la prise en charge partielle de dépenses liées à la mise en œuvre d’un plan de développement touristique – « ne constituaient pas des aides d’Etat », notamment dans la mesure où ces dépenses se rattachaient à l’exercice d’activités non-économiques (par exemple les activités liées à la sécurité de l’aéroport), et donc « ne relevaient pas du droit de l’Union en matière d’aides d’Etat ». L’autre partie des subventions – c’est-à-dire les deux autres programmes d’investissement et une partie des avances de trésorerie – constituaient bien des aides d’Etat, mais la Commission a conclu qu’elles étaient « compatibles avec les règles applicables en matière d’aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes ». La Commission a notamment pris en considération le fait que les aides s’avéraient « particulièrement nécessaires et proportionnées » pour faciliter le développement économique de l’aéroport de Beauvais, et n’entraînaient pas de distorsion significative pour la concurrence avec d’autres aéroports dans l’UE, dont ceux « voisins » de Paris-CDG et d’Orly.

Enfin, la Commission a considéré qu’aucun des contrats de services aéroportuaires conclus entre l’aéroport de Beauvais et une dizaine de compagnies aériennes ne constituaient des aides d’Etat, dans la mesure où « les conditions contractuelles n’allaient pas au-delà de ce qu’un exploitant aéroportuaire guidé par la recherche d’un profit aurait été prêt à offrir dans les mêmes circonstances que les exploitants de l’aéroport de Beauvais ».

Europe : OK pour Beauvais et La Rochelle, pas pour Ryanair ni Jet2 1 Air Journal

©Aéroport La Rochelle-Ile de Ré / Facebook

L’aéroport de La Rochelle avait lui aussi fait l’objet en février 2012 d’une enquête approfondie afin de déterminer si « les accords financiers conclus entre les pouvoirs publics français et l’aéroport, ainsi que les remises et les accords de commercialisation convenus entre l’aéroport et quelques-unes des compagnies aériennes qui l’utilisent » étaient conformes aux règles de l’UE en matière d’aides d’État. La Commission a considéré qu’une partie des accords financiers conclus entre 2001 et 2012 ne constituaient pas des aides d’Etat. S’agissant de « la sous-facturation prétendue des services fournis par le service général de la chambre de commerce de d’industrie (CCI) de La Rochelle à son service aéroport de 2006 à 2012, ainsi que la surfacturation prétendue des services fournis par l’aéroport de La Rochelle au gestionnaire public de l’aéroport de Rochefort », ces dépenses ne conféraient « pas d’avantage économique à l’aéroport de La Rochelle car elles étaient basées sur un prix de marché ». Les subventions octroyées par l’État français pour couvrir les missions dites régaliennes de l’aéroport de La Rochelle « se rattachaient à l’exercice d’activités non-économiques (par exemple les activités liées à la sécurité de l’aéroport), et par conséquent, ne relevaient pas du droit de l’Union en matière d’aides d’Etat ».

L’autre partie des mesures (« les avances remboursables octroyées par le service général de la CCI de La Rochelle à l’aéroport, la sous-facturation des services fournis par le service général de la CCI de La Rochelle à l’aéroport entre 2001 et 2005, les contributions financières octroyées par les collectivités locales françaises afin de contribuer aux actions de promotion, et les subventions d’équipement octroyées par les collectivités locales françaises ») constituaient bien des aides d’Etat, mais la Commission les a considérées comme étant compatibles avec les règles applicables : elle a notamment pris en considération le fait que les aides s’avéraient « particulièrement nécessaires et proportionnées » pour faciliter le développement économique de l’aéroport de La Rochelle, et n’entraînaient pas de distorsion significative pour la concurrence avec d’autres aéroports dans l’Union, dont les « aéroports voisins » d’Angoulême, de Rochefort et de Niort.

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©Aéroport La Rochelle-Ile de Ré

Mais dans le cas de La Rochelle, le gendarme de la concurrence a considéré que plusieurs contrats de services aéroportuaires et contrats de services marketing conclus entre 2003 et 2010 avec les compagnies aériennes Ryanair et Jet2 « constituaient des aides d’État incompatibles ». L’enquête de la Commission a montré que ces accords avaient conféré un « avantage économique injustifié » aux deux low cost par rapport à leurs concurrentes, « en ce qu’un exploitant aéroportuaire guidé par la recherche d’un profit n’aurait jamais accepté d’accorder des conditions similaires à ces compagnies aériennes dans les mêmes circonstances ». Ces aides étant considérées comme incompatibles, la France doit à présent récupérer les aides d’État illégales auprès de Ryanair et Jet2, dont le montant s’élève respectivement à environ 8,4 millions d’euros et 81,000 euros.

Dans le secteur de l’aviation, les lignes directrices de la Commission sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes rendent compte du fait que, sous réserve de certaines conditions, « des subventions publiques peuvent être utilisées par les aéroports régionaux ou les autorités régionales pour attirer des compagnies aériennes sensibles aux prix ». Ces subventions peuvent généralement prendre la forme de redevances aéroportuaires peu élevées, « de remises de redevances aéroportuaires, de commissions liées aux résultats («success fees») ou de paiements pour des services de marketing ». Les aéroports publics régionaux peuvent donc proposer des conditions attrayantes aux compagnies aériennes afin de stimuler leur trafic ; cependant, ces conditions ne doivent en principe pas aller au-delà de ce qu’un exploitant aéroportuaire guidé par la recherche d’un profit serait prêt à offrir dans les mêmes circonstances (principe de l’investisseur en économie de marché). Si ce principe est respecté, les conditions ne comportent pas d’aides d’État en faveur des compagnies aériennes, et ne sont pas soumises au contrôle ex ante de la Commission. Inversement. Si ce principe n’est pas respecté, les conditions constituent des aides d’État et la Commission doit alors vérifier si celles-ci peuvent être jugées compatibles avec les règles de l’Union en matière d’aides d’État.

En principe, les règles de l’UE en matière d’aides d’État requièrent que les aides d’État incompatibles avec le marché intérieur soient récupérées afin de supprimer la distorsion de concurrence qu’elles ont engendrée ; elles ne prévoient pas d’amendes, et la récupération ne pénalise pas l’entreprise en cause. La Commission rétablit simplement des conditions de concurrence équitables par rapport aux concurrents.

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©Jet2