Régulièrement sujet à des épisodes soudains de cisaillement de vent en raison de son implantation géographique exceptionnelle, l’aéroport Nice Côte d’Azur bénéficie désormais d’un des plus puissants lidars pour détecter ce phénomène météo qui perturbe les avions.
En raison de sa proximité avec la mer, les montagnes et la plaine du Var, l’aéroport Nice-Côte d’Azur est soumis à des variations soudaines de sens du vent pouvant entraîner des difficultés, particulièrement lors des phases d’atterrissage. Pour améliorer la sécurité et la performance des opérations aériennes, Météo France avait acquis et mis en service en 2014 un radar bande-X permettant de détecter ces cisaillements de vent au sein des nuages et des gouttes de pluie.
Mais il manquait un équipement efficace par temps sec. Un manque désormais comblé, avec ce Lidar doppler, un radar laser utilisant les aérosols en suspension dans les basses couches de l’atmosphère pour mesurer le vent par effet doppler en suivant leurs déplacements. Ce lidar effectue des mesures qui permettent aux prévisionnistes aéronautiques d’anticiper jusqu’à 10 minutes des effets de cisaillements et de turbulence. Un temps précieux, puisque les pilotes ainsi prévenus peuvent adapter leur manœuvre d’approche ou de décollage.
Ce lidar de toute dernière génération a été fourni par Mitsubishi Electric Corporation qui l’a déjà déployé dans plusieurs aéroports au Japon ou dans le sud-est de l’Asie. Avec ce nouvel équipement qui complète un dispositif plus large d’observation, et son utilisation par les services de Météo France, la plateforme niçoise est désormais la mieux équipée d’Europe pour détecter les cisaillements de vent et la seule dotée d’un lidar aussi puissant.
Mavrick a commenté :
6 juin 2021 - 22 h 56 min
Comme beaucoup de collègues familiers de l’approche à NCE; on remarque que de jour lorsque la mer n’est pas agitée, il est possible de détecter visuellement le windshear par l’état de la surface de la mer : le vent descendant provoque de très petites vaguelettes tremblantes rendant la mer matte à son endroit c’est remarquablement délimité en opposition aux vents ascendants ou rasants qui n’agissent pas de la même manière . c’est le signe de WSH probable le plus visible . Dans ce sens, la mer est notre complice . De nuit ; le Lidar sera d’une grande nécessité ; bien que nous savons tous, par les turbulences subies en approche intermédiaire , et l’origine des vents qui descendent du Var qu’il va falloir être particulièrement vigilants en courte finale. la force et orientation du vent en seuil de piste par rapport au milieu et fin de piste nous permet aussi de nous faire une idée . Nous le savons tous .
Grinch' a commenté :
7 juin 2021 - 8 h 04 min
Bonjour Mavrick. Intéressant votre retour “pilote”, mais pouvez-vous m’éclairer sur quelques points ?
Qu’appelez-vous “vent descendant” ? Le brise de terre qui descend de la vallée du Var lorsque le vent synoptique n’est pas trop fort (nuit et début de journée) ?
Si c’est le cas, je suppose alors que le “vent ascendant” est la brise de mer qui s’établit en journée ?
Qu’appelez-vous vent rasant ?
Des lidar nous (nous = mes collègues et moi, prévisionnistes aéro à Lyon Saint-Ex’) seraient bien utiles pour comprendre ce qui se passe parfois sur les plate-formes de Saint-Ex’, Clermont et Grenoble Saint-Geoirs… Mais ce n’est pas prévu.
Mavrick a commenté :
8 juin 2021 - 0 h 51 min
Bonjour Grinch, merci de votre intérêt . Par vent descendant , peut être mal exprimé, j’entends “rabattants” ou contraire d’ascendance ., pour le vent rasant, j’entends, en tant que navigant, un vent de surface à trajectoire horizontale . Dans la situation de NCE , il m’a semblé que dans la majorité des cas de WSH , il n’existait pas toujours de schémas répondant à des configurations classiques comme l’instabilité, front orageux ou vents forts . Il est vrai que les trois associés , sont des facteurs contributifs .
À NCE, de jour, par secteur Nord, un vent fort déboulant de la vallée du Var se manifeste souvent en seuil 04 par des turbulences . Peut on parler de brise de terre alors qu’on est en pleine journée ?. Basé 8 ans à NCE ( 4 Attéros par jour en FK 100, ATR 42-5, CRJ 100 ) j’ai expérimenté certaines situations MTO qui ne répondent pas du tout à nos schémas connus , et la seule visualisation et arme de défense contre ces rabattants c’est la surface de la mer qui nous le montre, ( en plus bien sûr, de ce que nous ressentons aux commandes et les infos des collègues ou de la Twr) .
Les courants descendants ou rabattants, font friser la surface de l’eau, rendant la mer grise et matte en localisant une surface définie localement . Il est évident que l’on ne peut bien le matérialiser que de jour mer calme . J’ai pu le vérifier aussi à Gênes où le vent du Nord est “le” facteur de WSH, Palerme, Teneriffe où là , c’est la configuration géographique qui nous fait la fête (WSH de 2500Ft jusqu’à la courte) .
En résumé , à NCE , quand les conditions sont mauvaises, en approche 04 La direction du vent est extrêmement variable, ne répond à aucune logique , et l’on peut s’attendre à tout . La mer , quand elle n’est pas agitée, est d’une grande complicité en trahissant la trace de la position du rabattant .
Pour ce qui concerne les plates formes à l’intérieur du continent; St Ex où c’est plat, j’imagine que les WSH sont peut-être surtout liés aux instabilités et CBs, Grenoble et Clermont à l’environnement orographique .
En tout cas le LIDAR à NCE est indispensable .
Sans prétention aucune , j’exprime juste ce que j’ai vécu à NCE . À votre disposition, bien cordialement .
Grinch' a commenté :
8 juin 2021 - 10 h 29 min
Merci Mavrick pour ces réponses solidement argumentées et non prétentieuses, rassurez-vous (ça change de ce qu’on voit trop souvent sur d’autres sujets de ce forum…).
Nous – les prévisionnistes aéronautiques de Météo France – faisons parfois face aux mêmes problèmes que vous, comme vous le décrivez : l’incompréhension de la situation précise lorsque les conditions atmosphériques échappent aux schémas conceptuels. Faute de comprendre ce qui se passe (par défaut d’observations en 3D), nous sommes alors démunis lorsque les contrôleurs aériens nous demandent des précisions sur les conditions dans l’axe d’approche. C’est en cela que le lidar va aider mes collègues de Nice : fournir en 3D des observations.
C’est bien sûr à LFMN que cela sera le plus utile, vu l’environnement très particulier de l’aéroport, mais des plate-formes comme LFLL réservent elles aussi leurs lots de surprises, et pas seulement lors des situations orageuses.
Comme récemment où on a observé pendant plusieurs heures 15 kts de nord au sol et 30 kts de sud à 1500 pieds QFE, sans aucune logique météo (CAVOK et situation générale calme) et sans réponse valable pour les contrôleurs qui nous demandaient ce qui se passait et combien de temps ça allait durer.
Ou encore cet autre jour où le vent mesuré au sol soufflait à 12 kts de nord au seuil 17 et 15 kts de sud au seuil 35, engendrant pendant près de deux heures des remises de gaz et des déroutements. J’ai bien du avouer au chef de tour que je n’avais aucune idée de ce qui se passait (sauf que là, le problème n’était pas les WSH mais le fait de savoir quelle piste devait être en service) !!!
Dernier point, non aéro mais basé sur mon expérience du climat niçois (j’ai vécu 11 ans là bas, mes parents y sont toujours) : en situation favorable aux brises thermiques, la brise de terre qui déboule de la vallée du Var peut très bien souffler jusque vers 11h du matin, je l’ai souvent expérimenté lors de sorties vélo avec mon club (en vélo, on est est très sensible à la direction du vent vu qu’on est soi-même le moteur…).
Si le vent de nord se maintient dans l’après-midi, ce n’est plus de la brise de terre mais du vent synoptique, c’est à dire du vent non lié aux contrastes thermiques locaux mais à la situation de grande échelle.
Mavrick a commenté :
9 juin 2021 - 3 h 49 min
Bonjour Grinch , merci pour toutes ces infos enrichissantes . En effet il arrive bien des fois où le phénomène n’a pas d’explication logique . J’ai toujours considéré que les WSH ; s’ils ne répondent pas à des schémas connus; en particulier à NCE, ils sont éphémères dans la position ; pas dans le temps . On peut s’en prendre un ; et après une remise de gaz se repositionner et ne plus l’avoir car il s’est déplacé . Pour LFLL, la seule info précise que vous puissiez avoir viendrait des appareils en approche . Tous les avions aujourd’hui sont équipés de l’info du vent , force et direction, et en cas d’interrogation sur le vent en altitude ; il est possible de le demander à l’équipage, aux différentes couches intéressées . Il est évident ; que deux forces de vent diamétralement opposés sur une piste restent du plus grand mystère . Vous avez beaucoup de pain sur la planche , car nombre de phénomènes peuvent être difficilement modélisables en particulier le WSH . C’est une vague dans une mer déchainée et ne répond qu’à de l’aléatoire . Bien difficile science que la prévision ! Bien cordialement MVK
Grinch' a commenté :
9 juin 2021 - 8 h 13 min
Nous demandons régulièrement aux contrôleurs qu’ils nous précisent les vents rencontrés par les pilotes en approche. Ca nous fournit une vision “en 3D en temps réel” que nous comparons ensuite aux modélisations.
Et c’est justement quand cette comparaison nous montre que les observations sont totalement différentes de la modélisation que la difficulté surgit. Faute de comprendre le phénomène, nous sommes alors souvent bien en peine de savoir “pourquoi”, et surtout ce qui intéresse au plus haut point les contrôleurs aériens : “quoi à venir pendant combien de temps”.
La prévision a fait d’énormes progrès depuis mes débuts il y a 22 ans, mais il reste encore tant à faire et à découvrir… C’est ce qui rend mon métier passionnant.
Bien cordialement. Grinch’.