Un ancien manager de Boeing à Renton dénonce l’état de la production des 737, y compris les NG, avant même que les 737 MAX soient impliqués dans deux accidents qui ont fait 346 victimes et entrainé leur immobilisation au sol dans le monde pendant 18 mois. Pour lui, la qualité des sondes AOA est au cœur de tous les problèmes, et menace donc encore la sécurité des vols.

La multiplication des feux verts donnés au redécollage du 737 MAX par les régulateurs américain, brésilien, canadien (et bientôt européen) semble avoir décidé Ed Pierson, qui a occupé un poste de direction sur la FAL de Renton de 2015 à 2018 et a témoigné en tant que lanceur d’alerte devant le Congrès, à publier un rapport très technique sur ce qu’il considère être les vrais problèmes de Boeing. Il décrit notamment des lignes d’assemblage « chaotiques » alors que les employés faisaient face à des pressions énormes, particulièrement en raison du nombre d’avions à terminer (jusqu’à 50), du manque de personnel « notamment syndiqué » et de pièces détachées, des modifications organisationnelles qui les obligeaient à travailler « hors séquence », mais aussi « un nombre inhabituellement élevé de défauts de qualité et d’échecs de tests fonctionnels, y compris retravailler et retester le système d’interconnexion de câblage électrique (EWIS)…

« La FAL 737 était en si mauvais état en juillet 2018 que l’entreprise a manqué d’espace à l’extérieur de l’usine et à l’aéroport municipal de Renton pour garer tous les avions inachevés. Boeing a dû rapidement convertir plusieurs parkings pour employés (y compris les parkings pour personnes handicapées) en parkings pour avions », rappelle Ed Pierson.

Il souligne que les problèmes affectaient non seulement l’assemblage des 737 MAX (« ils se sont aggravés tout au long de l’été 2018, quand celui de Lion Air étant en cours de fabrication, et à l’automne quand celui d’Ethiopian Airlines était en construction »), mais aussi les 737 NG dont les derniers exemplaires ont été produits en 2018 (les 737-700, 737-800 et 737-900), et dans le bâtiment voisin les P-8 Poseidon militaires.

La théorie défendue par Ed Pierson est que les deux accidents de 737 MAX n’ont pas été principalement causés par les problèmes de MCAS, mais par ceux liés à la production des systèmes électriques ou/et surtout des sondes AOA de Boeing, présentes dans tous les monocouloirs (une avait même été remplacée par un autre modèle la veille du crash de Lion Air). Pendant les cinq mois entre cet accident et celui d’Ethiopian Airlines, le 737 MAX a continué à enregistrer « en moyenne deux incidents de sécurité par mois » non liées au MCAS (onze au total, dont sept ont conduit à des déroutements ou des retours au point de départ).

Ed Pierson retient trois scénarios possibles d’accident liés à la production, « un défaut de production du système EWIS qui a endommagé les capteurs AOA », ou « un défaut de production des capteurs AOA qui a endommagé l’EWIS » ou « une panne d’EWIS et une défaillance du capteur AOA simultanément ». Et il juge que de nombreuses questions importantes restent sans réponse. « En haut de la liste, est-ce que les 737 MAX, 737 NG et P-8 Poseidon ont des capteurs AOA défectueux ou des problèmes de système électrique qui pourraient conduire à une autre tragédie évitable? ». Il estime en tout cas que les correctifs de la recertification du 737 MAX par la FAA « ne parviendront pas à résoudre correctement ces problèmes. Comment pouvons-nous être sûrs que l’avion est sûr à 100% alors que les questions de base découlant des rapports d’enquête sur les accidents restent sans réponse? », conclut le rapport.

Boeing 737 MAX : une nouvelle dénonciation de la production 1 Air Journal

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