Face à une pandémie de Covid-19 toujours active, le président de l’Union des aéroports français (UAF) estime dans une tribune qu’il faut déjà penser au printemps prochain, mais mettre en place dès cet hiver des tests rapides au départ des vols internationaux. Le ministre des transports évoque aussi une possibilité de reprise en 2021, mais insiste sur l’importance de donner aux compagnies aériennes une chance de repartir sur un pied d’égalité.
Dans un texte publié le 3 décembre 2020 dans La Tribune, le président de l’UAF Thomas Juin affirme qu’avec une chute de plus de 70% du trafic aérien en 2020, « il faut se rendre à l’évidence, le trafic aérien ne repartira pas cet hiver, et l’erreur serait d’attendre la disparition de l’épidémie pour envisager les conditions de la reprise ». Il faut « dès à présent » viser le cap d’avril 2021, début de la saison estivale pour les compagnies aériennes qui « étoffent leurs programmes et proposent de nouvelles destinations ». La situation de l’été dernier, quand elles ont « renforcé de manière volontariste leur capacité et ont été stoppées dans leur élan par l’absence de coordination européenne et le retour brutal et erratique des quarantaines », ne peut être répétée, insiste Thomas Juin. Des dispositifs de tests express au départ des vols internationaux, y compris au sein de l’Union européenne, doivent donc être mis en place dès cet hiver, et il faut « inciter progressivement les passagers » à se munir d’attestations de tests négatifs avant l’arrivée à l’aéroport.
Faute d’action à l’échelle européenne sur les mesures sanitaires, le président de l’UAF estime qu’il faut privilégier les accords de réciprocité « afin de lever les quarantaines sans quoi toute reprise du trafic est illusoire ». Il évoque « d’abord les principaux partenaires européens » (Italie, Allemagne, Espagne, Belgique, Suisse, Portugal…) mais aussi vers les marchés hors UE « prioritaires -Royaume-Uni, Bassin méditerranéen, Etats Unis, Russie, etc. ». Le transport aérien doit pouvoir fonctionner « avec un virus actif comme il a su le faire avec la menace terroriste après le 11 septembre 2001 », souligne-t-il.
En avril 2021, il s’agira de « reconstruire la connectivité aérienne de la France à partir d’une page blanche, car le réseau aérien français est anéanti ». Estimant que les compagnies aériennes chercheront à redéployer les lignes aériennes « là où elles dégageront le maximum de cash tout en proposant des tarifs attractifs », Thomas Juin explique que la France doit donc « attacher la plus grande importance » à l’écart de fiscalité avec ses principaux concurrents, notamment l’Espagne et l’Italie. Il demande donc une baisse de 50% de la taxe d’aéroport sur les premiers mois de redémarrage « afin d’inciter les compagnies à positionner leurs avions en France et neutraliser l’augmentation des taxes consécutive au Brexit sur les liaisons avec le Royaume-Uni ».
Sur la question de l’emploi, le président de l’UAF souligne que le dispositif d’activité partielle doit être prolongé au-delà du 31 décembre « pour limiter le risque de plans sociaux et de perte de compétence ». Il faut également que ce dispositif puisse bénéficier de manière identique « à l’ensemble des acteurs de l’écosystème du transport aérien », la chute du trafic se traduisant par une même chute de chiffre d’affaires « pour tous les acteurs ».
L’Etat doit s’assurer que le financement des missions régaliennes de sécurité et sûreté aéroportuaires « soit pleinement sécurisé » : « le pire serait de devoir puiser dans des trésoreries exsangues afin de combler un déficit régalien, alors même que nombre d’aéroports ont déjà dû contracter des prêts pour survivre », déclare Thomas Juin. L’avance de 300 millions d’euros de l’Etat en 2020 est « déjà insuffisante. Une somme supplémentaire doit être provisionnée pour sécuriser l’année 2021 et éponger le déficit 2020 restant », et une réflexion doit enfin être initiée pour « repenser plus largement le modèle du financement de la sûreté aéroportuaire ».
Cinq mois, c’est le temps qu’il nous reste pour réussir, avec l’appui des pouvoirs publics et sur la base de ces propositions, la reprise du transport aérien. Soyons collectivement à la hauteur de cet enjeu. L’avenir de milliers d’entreprises et d’emplois en dépend. (Thomas Juin, président de l’Union des aéroports français)
Interrogé par Déplacements Pros, le ministre délégué aux transports Jean-Baptiste Djebbari a de son côté évoqué « de bons espoirs de reprise pour 2021 », notamment grâce à l’arrivée de vaccins contre la Covid-19 et aux « différents plans de support à l’industrie du transport aérien » (dont les 8 milliards d’euros d’aide à l’aéronautique et les différents soutiens financiers apportés aux compagnies aériennes, y compris 7 milliards pour Air France). Mais face à la crise, « il faut se donner la chance de faire repartir les opérateurs sur un pied d’égalité. La France doit résister et continuer d’être présente avec le pavillon français », a-t-il déclaré. Il est donc essentiel selon le ministre d’harmoniser les conditions d’exploitation des opérateurs « et de bannir, au niveau européen, les artifices utilisés par certains opérateurs comme le « pay to fly » et l’usage de faux indépendants » mais aussi de régler « les problématiques juridiques qui régissent les bases d’exploitation ».
Il y a trois types de compagnies. Les groupes, les low-cost et les compagnies intermédiaires. Les groupes ont particulièrement souffert, dans le contexte de la crise, de par leur activité mondiale. Les groupes sont stratégiques et les Etats les ont aidés en priorité. Les opérateurs low-cost ont des réserves financières importantes et ont su, jusqu’à présent, encaisser le choc. Les compagnies intermédiaires souffrent de la concurrence féroce des low-cost qui n’ont pas les mêmes charges et qui, parfois, sont des opérateurs extra-européens.
Jean-Baptiste Djebbari se dit aussi en faveur d’une harmonisation européenne en ce qui concerne le dépistage du coronavirus : les tests antigéniques utilisés par la France « sont une avancée majeure. L’acceptation de ces tests par nos partenaires européens fera l’objet des discussions qui animeront le Conseil européen de la semaine prochaine », explique-t-il. L’idée, c’est d’avoir un socle harmonisé « et de pouvoir discuter avec les autres grands blocs – Chine, USA, Amérique du Sud – afin d’assurer des corridors sanitaires et de donner de la visibilité aux opérateurs des déplacements et aux usagers ».
Le ministre se dit favorable au passeport sanitaire proposé par l’IATA entre autres, mais il est fermement opposé au principe de la vaccination obligatoire telle qu’annoncée par Qantas : « ce n’est pas à un opérateur aérien de décider si un passager doit être vacciné ou non. L’approche doit être internationale pour garantir une clarté des conditions d’entrée et une compréhension par tous les acteurs ».
On retiendra a contrario le ton nettement plus pessimiste affiché hier par le CEO d’Air France-KLM Ben Smith, qui s’exprimait lors d’un sommet de l’économie organisé par le magazine Challenges : « il faudra environ 4 à 5 ans pour retrouver le niveau de 2019. Avec le retour d’abord des clients loisirs et plus tard ceux du trafic business », a-t-il déclaré, une estimation qui n’a pas varié malgré l’arrivée prochaine des vaccins.
Biblos a commenté :
4 décembre 2020 - 9 h 24 min
Pour l’avenir (et non le futur), on ne peut que souhaiter une réorganisation rationnelle avec la fermeture pure et simple de la moitié de nos 50 (!) aéroports nationaux dont 25 ont moins de de 500.000 passagers/an !
private equity a commenté :
4 décembre 2020 - 11 h 20 min
C’est tout de même incroyable de voir un peu partout des gouvernements de droite adepte dans leur discours sur l’économie de “moins d’Etat possible, le marché se régule seul”, virer leur cuti, mettre au tapis des secteurs entiers de l’économie