La lenteur de la reprise du trafic aérien mondial a poussé l’IATA à lancer un appel aux gouvernements afin de trouver « de toute urgence » des moyens de rétablir la connectivité mondiale, en ouvrant les frontières et en maintenant les mesures d’aide pour soutenir les compagnies aériennes durant la pandémie de Covid-19.

L’Association internationale de Transport Aérien (IATA) a confirmé la faiblesse du trafic aérien en juillet 2020 , quatre voyageurs sur cinq étant restés chez eux (-79,8% en RPK par rapport au même mois l’année dernière), même si le résultat est meilleur que celui de juin (-86,6%). Le représentant de 290 compagnies aériennes assurant 82% du trafic aérien mondial a donc relancé mardi un appel aux autorités : il faut « accélérer la levée des restrictions aux frontières et rétablir la connectivité globale ». L’IATA met en évidence le fait que ces restrictions « ont empêché que la période de haute saison estivale du mois de juillet puisse apporter une amélioration probante par rapport aux deux mois précédents » : le trafic international en particulier était encore en recul de 91,9% en RPK.

Cet appel de l’IATA reflète la « profonde frustration » de l’industrie dans un contexte où les politiques gouvernementales telles que la fermeture des frontières, les restrictions de voyage et les mesures de quarantaine « continuent d’éliminer la demande de voyages aériens ». « La protection des citoyens doit être la priorité absolue des gouvernements. Mais trop de gouvernements combattent une pandémie mondiale en s’isolant, croyant que la fermeture des frontières est la seule solution. Il est temps que les gouvernements travaillent de concert pour mettre en place des mesures qui vont permettre la reprise de la vie économique et sociale, tout en maîtrisant la dissémination du virus », affirme Alexandre de Juniac, directeur général et chef de la direction dans le communiqué de l’IATA.

Le monde demeure largement fermé aux voyages, malgré l’existence de protocoles mondiaux permettant la relance sécuritaire de l’aviation (orientations du document « Paré au décollage ») élaborés par les gouvernements sous l’égide de l’OACI et avec le soutien de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les compagnies aériennes ont été clouées au sol pour la moitié d’une année. Et la situation « ne s’améliore pas » selon l’IATA. « En fait, dans bien des cas, les choses vont dans la mauvaise direction. Nous voyons des gouvernements qui remplacent la fermeture des frontières par des mesures de quarantaine imposées aux voyageurs aériens. Aucune de ces deux mesures ne va restaurer les emplois dans le secteur du voyage. Pire encore, des gouvernements modifient leurs exigences d’entrée avec peu ou pas d’avis préalable aux voyageurs, ou de coordination avec leurs partenaires commerciaux. Cette incertitude détruit la demande. Les voyages et le tourisme soutiennent 10% de l’économie mondiale ; les gouvernements doivent faire mieux pour la relancer », soutient M. de Juniac.

Outre les mesures de l’OACI, l’association propose un système de « bulles de voyage » pour réduire les risques entre des marchés particuliers ; et elle prévoit une utilisation plus large et stratégique des tests de COVID-19 à mesure que les progrès technologiques vont améliorer la précision, la vitesse et l’adaptabilité.

L’IATA propose donc un plan d’action en trois volets pour permettre aux gouvernements de rouvrir les frontières de façon sécuritaire :

  1. Mise en œuvre universelle des orientations du document Paré au décollage de l’OACI.
  2. Exploitation du solide travail de l’Équipe spéciale du Conseil de l’OACI sur la relance de l’aviation (CART), par le développement d’un cadre de travail commun que les États utiliseront pour coordonner la réouverture sécuritaire de leurs frontières à l’aviation.
  3. Mise au point de mesures de dépistage de la COVID-19 qui vont permettre la réouverture des frontières en réduisant le risque d’importation de la maladie à un niveau acceptable pour les autorités de la santé publique, et offrant la précision, la vitesse et l’adaptabilité nécessaires pour répondre aux exigences rigoureuses du processus de voyage.

Les compagnies aériennes continuent de perdre des milliards de dollars et doivent prendre de difficiles décisions concernant le redimensionnement de leurs opérations et de leur main-d’œuvre dans l’avenir, rappelle en outre l’IATA. Plusieurs « n’auront pas les moyens financiers de survivre à une fermeture de durée indéterminée, qui pour certaines dépasse déjà une demi-année », souligne son dirigeant. « Dans ces moments extraordinaires, les gouvernements vont devoir maintenir aussi longtemps que possible les mesures d’aide financière et autres. Il s’agit là d’un solide investissement parce que chaque emploi préservé au sein des compagnies aériennes en soutient 24 autres dans l’ensemble de l’économie. Et une industrie aérienne qui fonctionne sera essentielle pour que les économies retrouvent toute leur puissance ».

L’IATA presse les gouvernements d’orienter les mesures d’aide vers deux domaines :

  • Aide financière : avec des pertes financières de 84,3 milliards de dollars pour l’industrie cette année, une réduction des recettes de50 % et des coûts fixes élevés pour les aéronefs et la main-d’œuvre, la viabilité financière de plusieurs compagnies aériennes est menacée. L’aide gouvernementale a constitué une bouée de sauvetage essentielle. Mais l’aide offerte s’épuise rapidement. Il sera essentiel que des mesures gouvernementales viennent fournir des coussins financiers supplémentaires pour éviter les faillites, et ces mesures ne doivent pas augmenter les niveaux d’endettement déjà énormes.
  • Assouplissement réglementaire : l’assouplissement réglementaire le plus urgent concerne l’exemption de la règle du 80-20 sur les créneaux aéroportuaires, dite « on s’en sert ou on le perd ». La grave incertitude qui pèse sur le marché fait en sorte que les compagnies aériennes ont besoin de flexibilité pour ajuster leurs horaires selon la demande, sans subir la menace d’une sanction pour non-utilisation des créneaux attribués. Les compagnies aériennes ne peuvent se permettre de faire voler des avions vides lorsque la demande chute. De même, elles ne peuvent se passer des revenus lorsque les possibilités se présentent.

Plusieurs gouvernements, dont ceux de la Chine, du Brésil, du Mexique, de Singapour, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, ont accordé des exemptions pour la saison d’hiver 2020 (octobre 2020 à mars 2021), reconnaissant les graves contraintes en matière de planification des horaires en cette période de profond bouleversement. Malheureusement, la Commission européenne (CE), dont plusieurs espèrent un leadership en matière de politiques de transport aérien, « sous-estime la gravité de la crise et traîne les pieds » :

o La CE a déterminé que le trafic serait restauré dans une proportion de 75% à 85% du niveau de février 2020 (pré-COVID dans la plupart des marchés) pour la saison d’hiver. C’est une position beaucoup plus optimiste que les scénarios de l’industrie.

o De plus, la CE croit qu’accorder une exemption à la mi-octobre laissera suffisamment de temps aux compagnies aériennes et aux aéroports pour planifier en vue de ce qui apparaît déjà comme la période la plus difficile de l’histoire de l’aviation. Étant donné les circonstances extraordinaires, les aéroports et les compagnies aériennes ont demandé depuis plusieurs semaines que les gouvernements fournissent des éclaircissements dès que possible. Conjointement avec les coordonnateurs indépendants des créneaux, ils ont adopté des conditions pour permettre à la CE d’agir promptement.

Alexandre de Juniac conclut : « les gouvernements ont collaboré pour établir des lignes directrices en vue d’un redémarrage sécuritaire de l’aviation. Mais ils n’ont pas coopéré pour faire en sorte que ce redémarrage se réalise effectivement. C’est pourquoi 90% des vols internationaux sont interrompus. La demande existe. Lorsque les frontières seront ouvertes sans mesures de quarantaine, les gens prendront l’avion. Mais il y a beaucoup trop d’incertitude sur la façon dont les gouvernements gèrent la situation pour que les passagers reprennent la confiance nécessaire aux voyages. En fait, ce qui tue l’aviation est le fait que les gouvernements ne gèrent pas les risques associés à la réouverture des frontières. À la place, ils maintiennent la mobilité mondiale en état de confinement. Et si cela se poursuit, les dommages à la connectivité mondiale pourraient devenir irréparables, ce qui aurait des conséquences graves sur les économies et la santé publique. Les protocoles mondiaux pour la relance sécuritaire de l’aviation sont adoptés et aucune industrie n’a autant d’expérience que l’industrie aérienne en matière de mise en œuvre de programmes mondiaux de sécurité. Mais il faut que les gouvernements assument le leadership et gèrent les risques, et adoptent une attitude de gagnant par rapport à ce virus. Ensuite, avec les tests, la technologie, la science et la détermination, nous pourrons rouvrir les frontières et remettre le monde en mouvement ».

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L’IATA veut accélérer la réouverture des frontières 1 Air Journal

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