La perte nette du Groupe Lufthansa au premier trimestre a atteint 2,1 milliard d’euros, et il s’attend à une reprise lente qui va entrainer une « restructuration profonde ». Il prévoit d’opérer en septembre 40% des capacités initialement programmées, et même à l’horizon 2023 sa flotte devrait compter 100 avions de moins qu’avant la crise.
Les résultats financiers définitifs du premier trimestre ont été publiés par le groupe Lufthansa ce 3 juin 2020, après un rapport intérimaire qui annonçait déjà la mauvaise nouvelle fin avril. Les restrictions de voyage imposées en raison de la propagation mondiale du coronavirus ont eu un « impact significatif » : le chiffre d’affaires du groupe a baissé de 18% à 6,4 milliards d’euros (année précédente : 7,8 milliards d’euros), et les réductions de coûts n’ont pu que « partiellement » compenser la baisse des revenus au cours du trimestre. L’EBIT ajusté s’est élevé à moins 1,2 milliard d’euros au premier trimestre 2020 (exercice précédent : moins 336 millions d’euros). Le résultat net s’élève à moins 2,1 milliards d’euros.
Le cash flow libre ajusté du groupe s’élève à 620 millions d’euros. Par rapport à fin 2019, le ratio de fonds propres a baissé de 6,7 points de pourcentage à 17,3%, et l’endettement net de 5% à 6,4 milliards d’euros. Les provisions pour retraites s’élèvent à 7,0 milliards d’euros, supérieures de 5% à la fin de l’année 2019.
Au total, les compagnies aériennes du groupe Lufthansa (Lufthansa, Austrian Airlines, Brussels Airlines, Eurowings et Swiss International Air Lines) ont transporté 21,8 millions de passagers au cours des trois premiers mois de 2020, un nombre en recul de 26,1% par rapport même trimestre de l’année dernière. Le coefficient d’occupation de leurs avions a diminué de 4,7 points de pourcentage pour s’établir à 73,3% au cours de cette période. La capacité de fret proposée a diminué de 15%, et les kilomètres de fret vendus de 15,5% ; il en résulte un facteur de charge de 62,5% (-0,4 point de pourcentage).
Le groupe précise aussi dans son communiqué qu’au mois d’avril, ces compagnies aériennes ont enregistré une baisse de 98,1% du trafic en glissement annuel, à 241.000 passagers. L’offre a chuté de 96,0%, tandis que le coefficient d’occupation a reculé de 35,8 points de pourcentage pour s’établir à 47,5%. L’offre de fret était inférieure de 60,7% à celle d’avril 2019, « en particulier en raison d’un manque de capacité sur les vols de passagers ». En revanche, les kilomètres de fret vendus n’ont diminué que de 53,1%, de sorte que le facteur de charge de fret a augmenté de 11,5 points de pourcentage pour atteindre 71,5%. Les volumes de passagers et de fret en mai « ont de nouveau été nettement inférieurs à ceux de l’année précédente ».
Les mesures de soutien de l’État, à hauteur d’environ 9 milliards d’euros, « garantissent la solvabilité de l’entreprise jusqu’à ce qu’elle soit en mesure de générer suffisamment de fonds à partir de ses propres ressources », souligne d’autre part le groupe. Au 31 mars 2020, la liquidité du groupe Lufthansa s’élevait à environ 4,3 milliards d’euros. « Nous avons réussi à réduire d’un tiers les coûts fixes en peu de temps. Néanmoins, dans notre activité opérationnelle, nous consommons actuellement environ 800 millions d’euros de notre réserve de liquidité par mois. En outre, le remboursement des billets d’avion annulés et la le remboursement des passifs financiers échus aura un impact négatif prévisible sur notre développement de liquidités », a souligné Thorsten Dirks, membre du directoire Digital and Finance de Deutsche Lufthansa AG.
Le trafic aérien mondial s’est pratiquement immobilisé ces derniers mois. Cela a eu un impact sans précédent sur nos résultats trimestriels. Compte tenu de la très lente reprise de la demande, nous devons maintenant prendre des mesures de restructuration de grande envergure pour y remédier, a déclaré Carsten Spohr, président du directoire de Deutsche Lufthansa AG.
Le groupe Lufthansa lance donc une restructuration complète, afin de « rembourser rapidement les prêts et les coupons » : « nous devrons augmenter considérablement notre flux de trésorerie disponible annuel par rapport aux niveaux d’avant la crise – même si la demande mondiale de vols restera inférieure aux niveaux d’avant la crise pour les années à venir. Cela ne fera que réussir si nous mettons en œuvre des programmes de restructuration dans tous les domaines du Groupe et convenons de solutions innovantes avec les syndicats et les comités d’entreprise », explique Thorsten Dirks.
Le groupe Lufthansa prévoit de réduire considérablement les coûts unitaires par rapport aux niveaux d’avant la crise. Ces coûts fixes ont entre autres été réduits par le chômage partiel pour environ 87.000 employés, le report ou l’annulation des projets prévus et le report des événements de maintenance. En outre, les programmes de restructuration en cours chez Austrian Airlines et Brussels Airlines « sont encore intensifiés » : la compagnie belge prévoit de réduire sa flotte de 30% et ses effectifs de 25%, tandis que l’autrichienne « a décidé de réduire sa capacité à long terme » en diminuant sa flotte de 20%, et a convenu avec les comités d’entreprise de réduire les coûts de personnel d’environ 20%. Des programmes de restructuration et de réduction des coûts seront également lancés dans d’autres sociétés du groupe Lufthansa ; les négociations avec les avionneurs sur des « reports importants » des livraisons prévues se poursuivent, et la vente « d’unités commerciales non stratégiques » est à l’examen à moyen terme.
Côté flotte, la réduction de la performance du trafic de plus de 95% au cours des mois d’avril et mai avait conduit le Groupe à immobiliser initialement 700 de ses 763 appareils. À partir de la mi-juin, les compagnies aériennes du groupe Lufthansa « étendront considérablement » leurs horaires à environ 2000 liaisons hebdomadaires vers plus de 130 destinations dans le monde, dont sept en France. L’objectif est de rendre à nouveau « autant de destinations accessibles aux vacanciers et aux voyageurs d’affaires » que possible. Hier, le directoire a décidé d’augmenter la capacité offerte en septembre jusqu’à 40% du programme initial. Dans le même temps, le nombre de destinations passera à 70% du plan initial pour les vols long-courriers, et 90% pour les vols court-courriers « afin d’offrir aux clients le choix de destinations le plus large possible ». À cette fin, une extension progressive du calendrier des vols est en cours d’élaboration au cours des trois prochains mois, avec accélération prévue du cap déjà engagé pour étendre son offre touristique.
Mais le groupe ne prévoit qu’une augmentation progressive de la demande : il s’attend toujours à ce que 300 avions restent cloués au sol en 2021, et 200 en 2022. « Même après la fin de la crise, qui devrait se terminer en 2023 », Lufthansa estime que sa flotte restera amputée de 100 appareils.
« L’évolution incertaine de la pandémie » continue de rendre impossible une prévision précise de la tendance des bénéfices pour 2020. Le groupe Lufthansa continue de s’attendre à une baisse significative de l’EBIT ajusté. « Même dans cette crise unique, nous travaillons dur pour défendre notre position de leader en Europe », a conclu Carsten Spohr.
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