Boeing a créé la surprise la nuit dernière en recommandant officiellement un passage par le simulateur de vol pour tous les pilotes de 737 MAX, une fois que celui-ci aura gagné sa nouvelle certification. La suspension de la production des monocouloirs remotorisés pourrait durer deux mois.

Le communiqué du 7 janvier 2020 marque un revirement complet pour l’avionneur américain : Boeing « recommande la formation sur simulateur 737 MAX en plus de la formation sur ordinateur pour tous les pilotes de MAX avant la remise en service du 737 MAX. Cette recommandation tient compte de notre engagement indéfectible envers un retour en service en toute sécurité, ainsi que des modifications apportées à l’avion et aux résultats des tests. La décision finale sera établie par les régulateurs ». Le CEO par intérim Greg Smith ajoute : « La sécurité est la priorité absolue de Boeing. La confiance du public, des clients et des parties prenantes dans le 737 MAX est extrêmement importante pour nous et, dans cette optique, Boeing a décidé de recommander une formation sur simulateur MAX combinée à une formation sur ordinateur pour tous les pilotes avant de remettre le MAX en service en toute sécurité ».

Cette déclaration surprise fait suite à un article du Wall Street Journal dimanche, sui croyait savoir que la FAA (Federal Aviation Authority) était nettement plus qu’auparavant en faveur d’un passage obligatoire en simulateur pour les pilotes de 737 MAX – ce qui ne plairait ni aux compagnies aériennes ni justement à Boeing, dont un argument de vente était justement l’absence de nouvelle formation coûteuse pour le passage du NG au MAX (en 2011, avant la certification du MAX donc, le contrat de la low cost Southwest pour 150 avions incluait une clause selon laquelle Boeing paierait un million de dollars par avion si un passage en simulateur était demandé). Le quotidien rappelait que des essais par des pilotes de Southwest, American Airlines, United ou Aeromexico avaient montré que beaucoup d’entre eux n’utilisaient pas les procédures d’urgence recommandées pour gérer les problèmes rencontrés en vol. La FAA a déclaré hier que le sujet sera examiné plus tard en janvier lors d’une réunion du JOEB (Joint Operations Evaluation Board), qui regroupe une quinzaine de membres d’équipage américains et étrangers, chargés d’évaluer sur simulateur les nouveaux système du MAX et d’émettre des recommandations sur la formation.

Le cauchemar logistique que représente cette obligation est clair : il n’y a que 34 simulateurs de vol full-motion dédiés au 737 MAX dans le monde, dont seulement huit aux Etats-Unis selon le Seattle Times (trois chez Boeing à Miami, trois chez Southwest à Dallas, un chez American Airlines à Dallas et un chez United à Denver), mais des dizaines de milliers de pilotes à former. Nul ne sait s’il est possible d’upgrader les quelque 200 simulateurs de 737 NG existant pour simuler le comportement des MAX. Un porte-parole de United Airlines a par exemple déclaré hier au quotidien que la formation de ses pilotes MAX se fera « par vagues », permettant à un « groupe central de pilotes » de prendre les commandes des appareils dès leur remise en service, avant que tout le monde soit formé. Mais cela impliquerait que les MAX seront assignés à certaines routes seulement, puisqu’ils ne pourront pas remplacer au pied levé un NG tombé en panne. Plusieurs syndicats de pilotes ont par ailleurs dénoncé le fait que Boeing ne les avait pas consultés avant d’annoncer sa décision : selon John Waeks (Southwest Airlines Pilots Union), « en tant que plus grand groupe de pilotes NG et MAX au monde, il est vital que nous soyons impliqués dans le processus, comme Boeing et la FAA l’avaient promis il y a des mois ».

Rappelons que quand les 737 MAX avaient été cloués au sol en mars dernier, suite à deux accidents en cinq mois qui avaient fait 346 victimes chez Lion Air et Ethiopian Airlines, près de 400 monocouloirs remotorisés avaient été livrés ; le même nombre a été produit depuis sans rejoindre la flotte de leurs clients, tous attendant la certification par la FAA de la mise à jour du logiciel anti-décrochage MCAS (mis en cause dans les deux accidents), probablement durant ce premier trimestre 2020. Et ce si les nouveaux problèmes dénoncés ce weekend (câblage, manque d’isolant anti-foudre) ne créent pas d’obstacle supplémentaire au retour dans les airs du monocouloir remotorisé.

Boeing va suspendre la production des 737 MAX en ce début janvier pour une durée indéterminée, expliquant sa décision par la volonté de « prioriser la livraison des avions stockés ». D’après Leeham News qui cite des sources internes chez le constructeur, cette suspension devrait durer « 60 jours au moins » ; mais le site estime « très peu probable » une reprise des assemblages à la FAL de Renton durant le mois de mars…

Boeing recommande le simulateur pour les pilotes de 737 MAX 1 Air Journal

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