Un des pères fondateurs d’Airbus, Roger Béteille, s’est éteint à l’âge de 97 ans. L’avionneur européen et le CEO de Boeing lui rendent hommage.
C’est « avec tristesse » qu’Airbus a appris le décès le 14 juin 2019 de l’un de ses pères fondateurs, Roger Béteille, qui a non seulement conçu le premier avion civil d’Airbus, l’A300B, mais est également à l’origine d’Airbus Industrie. Né en 1921 dans l’Aveyron, Roger Béteille étudie à Supaéro à Toulouse avant de rejoindre l’entreprise française SNCASE, devenue ultérieurement Sud Aviation, en 1943. Il obtient sa licence de pilote en 1945, puis devient ingénieur navigant d’essais en 1952. Il fait partie de l’équipe d’essais en vol lors du premier vol de la Caravelle.
En juillet 1967, l’idée de développer un tout nouveau biréacteur gros-porteur d’une capacité de 300 sièges voit le jour et Roger Béteille est nommé ingénieur en chef du programme A300 à Sud Aviation. Il est vite devenu évident que les clients de lancement Air France et Lufthansa souhaitaient un appareil de capacité inférieure. Début 1968, Roger Béteille commence à travailler en secret sur ce qui deviendra l’A300B, doté d’une capacité de 250 sièges et d’une soute suffisamment spacieuse pour accueillir deux conteneurs standard côte à côte. La section transversale de fuselage innovante qu’il conçoit alors est toujours utilisée aujourd’hui sur l’A330.
Surnommé “l’homme à la cravate blanche“, Roger Béteille ainsi que Felix Kracht, premier directeur de production d’Airbus, élaborent le partage du travail qui constitue la base du système de production européen d’Airbus qui définit l’entreprise encore aujourd’hui. « J’ai voulu tirer parti au maximum de tous les talents et capacités disponibles sans me soucier de la couleur du drapeau ni de la langue parlée », déclare-t-il à l’époque. Roger Béteille applique cette approche à la création d’une équipe d’essais en vol multinationale. L’A300B est officiellement lancé en 1969.
Lors de la création du groupement d’intérêt économique (GIE) Airbus Industrie en 1970, Roger Béteille, alors Senior Vice President Engineering, fait pression pour rapprocher son siège social de la chaîne d’assemblage final à Toulouse, afin que les clients potentiels puissent voir le produit en cours de fabrication. Lorsque l’A300B effectue son premier vol le 28 octobre 1972, Roger Béteille a acquis une excellente connaissance des besoins des compagnies, dont il use à bon escient au cours d’une campagne d’une décennie pour obtenir de nouveaux clients. Malgré les années difficiles qui succèdent à la crise pétrolière de l’OPEP, ses efforts donnent lieu à l’arrivée d’Eastern Airlines, premier client américain de l’A300, en 1977. Eastern est alors dirigée par l’ancien commandant de la mission Apollo 8, Frank Borman, avec lequel Roger Béteille établit des liens solides.
Dès le début, Roger Béteille nourrit un rêve : celui de créer une famille d’avions. « J’étais convaincu qu’Airbus ne décollerait jamais avec un seul avion », explique-t-il. « Les clients potentiels pourraient se questionner sur la pérennité de notre existence dans les 10 ou 20 années à venir ». Son rêve se réalise vers la fin de sa carrière lorsque, en mars 1984, il réussit le lancement officiel de l’A320. Roger Béteille joue un rôle déterminant dans le développement des commandes de vol électriques (fly-by-wire), le renforcement de la sécurité des vols et l’élargissement du fuselage, autant d’éléments qui ont contribué à l’immense succès commercial de l’A320. L’utilisation des commandes de vol électriques marque également le début du concept de similarité du poste de pilotage et de la qualification par différence (Cross-Crew Qualification) pour les pilotes sur tous les appareils de la famille Airbus.
Roger Béteille à Airbus:
1967 : Nomination comme ingénieur en chef sur le programme Airbus A300 à Sud-Aviation pour la partie française du projet. Son équipe se compose de trois personnes : lui-même, un collègue ingénieur et une secrétaire.
1969 : Démarrage officiel du programme Airbus A300B.
1970 : Après la création d’Airbus Industrie, il devient Senior Vice President, Engineering.
1972 : Premier vol de l’A300B.
1975 : Nomination comme Directeur Général d’Airbus Industrie.
1977 : Pénétration du marché américain avec le premier engagement d’achat d’Eastern Airlines portant sur l’A300.
1978 : Lancement de l’A310 : première étape dans la réalisation de la vision de Roger Béteille d’une famille Airbus.
1984 : Lancement de l’A320, un monocouloir entièrement nouveau au fuselage élargi et doté de commandes de vol électriques.
1985 : Départ à la retraite d’Airbus Industrie en qualité de Président de l’entreprise.
2012 : La chaîne d’assemblage final de l’A350 XWB à Toulouse est baptisée Roger Béteille en son honneur.
Guillaume Faury, CEO d’Airbus, a déclaré hier : « Roger Béteille occupe une place si importante dans l’histoire d’Airbus, depuis la création de l’A300B en 1969 jusqu’au lancement de l’A320 en 1984 – affirmer qu’il avait eu un impact durable serait un euphémisme. «L’homme à la cravate blanche» nous manquera beaucoup ». Pour son homologue de Boeing Dennis Muilenburg, « alors que Airbus célèbre son 50e anniversaire cette année, nous rendons hommage à Roger Béteille et à l’héritage de ses fondateurs. Leurs contributions ont renforcé notre industrie ». Le constructeur américain a présenté ses condoléances « à la famille @Airbus avec l’annonce du décès d’un de ses pères fondateurs, Roger Béteille. Nous célébrons sa vision de changer notre industrie ».
https://twitter.com/BoeingCEO/status/1143591663757082624
Airbid a commenté :
26 juin 2019 - 10 h 56 min
Cela fait plaisir d’entendre dire par son concurrent que c’est l’innovation Airbus qui a réveillé la vision de l’industrie aéronautique . Frank Borman avait dit lui même à propos de l’A300 ” c’est le seul avion de demain disponible aujourd’hui et je ne vois pas pourquoi ma compagnie s’en priverait” , face aux pressions Américaines. Et pour l’A320 , tout le monde sait qu’il tient ses commandes électriques de l’expérience Concorde. Roger Beteille mérite plus que des hommages, il mérite une statue.
GVA1112 a commenté :
26 juin 2019 - 11 h 20 min
Quand on rend hommage à une telle personne, qui a marqué l’Histoire de l’aviation, il n’y plus de concurrence.
Les innovations de M. Beteille sont profitable à tous.
Bravo pour cette union autour de cet hommage.
L’aviation reste (ou devrait rester) une histoire de Gentleman!!
Sontag a commenté :
29 juin 2019 - 4 h 42 min
En tant que jeune ingénieur évaluant (PEN) les avions nouveaux à Air France je me souviens de la détermination, de la ténacité, du calme et surtout de la compétence de M. Béteille lorsqu’il venait nous informer de l’avancement du projet. Il bénéficiait d’un respect général.