La compagnie aérienne Emirates Airlines a dévoilé sa réponse aux accusations de subventions et de concurrence déloyale, portées par les trois rivales américaines Delta Air Lines, United Airlines et American Airlines. Ces allégations ont été réfutées point par point dans un très long document, mis à la disposition du grand public. Les anglophones courageux pourront parcourir les 388 pages de documents mis en ligne par la compagnie des Emirats Arabes ; pour les autres, une conférence de presse a synthétisé ses arguments, et fait l’objet d’un communiqué repris ci-dessous. Rappelons que les trois grandes compagnies américaines accusent Emirates Airlines mais aussi Etihad Airways et Qatar Airways d’avoir touché 42,3 milliards de dollars de subventions illégales depuis 2004 ; selon Etihad, ce sont au contraire American, Delta et United qui ont perçu 71,5 milliards de dollars d’aides publiques en quinze ans. Les premières sont globalement soutenues par Air France-KLM, Lufthansa ou les syndicats européens ; les secondes par la majorité des agences de voyage, les aéroports, les compagnies de fret – et un sondage d’Openskies.travel sorti cette semaine, dans lequel 89% des 2546 « Américains ayant voyagé par avion à l’étranger » interrogés se disent « en faveur de des objectifs l’accord de ciel ouvert entre les USA et les pays du Golfe », à savoir « la baisse des tarifs et plus d’options de voyage » ; 67% « ne veulent pas que l’expansion des compagnies étrangères aux USA soit freinée par le gouvernement ». Voici l’intégrale du communiqué d’Emirates Airlines, dont une délégation a rencontré des membres des Ministères américains des Affaires Etrangères, du Transport et du Commerce Extérieur afin de leur faire part de sa réponse. Les trois compagnies américaines avaient dès janvier lancé une campagne de lobbying agressive dans le cadre d’une tentative protectionniste afin de limiter l’offre auprès des consommateurs, et de réduire la croissance des vols internationaux vers les Etats-Unis desservis par Emirates et les compagnies du Golfe. Ce n’est que le 5 mars que Delta, United et American Airlines ont publiquement divulgué leur rapport de 55 pages, qui présente de prétendues « preuves » de concurrence déloyale et de subventions perçues par Emirates. L’intégralité des annexes n’a été rendue publique qu’à compter du 21 avril. Sir Tim Clark, Président d’Emirates, a déclaré : « La méthode employée par les compagnies aériennes américaines pour discréditer Emirates fut inattendue et vraiment répugnante. Nous ne sous-estimons pas leurs prouesses de lobbying, mais les faits sont les faits. A l’inverse de leur rapport, qui est criblé d’imprécisions, de mauvaises interprétations juridiques et de suppositions, la réponse d’Emirates est complète et basée sur des faits avérés. Nous démontrons clairement les raisons pour lesquelles les trois compagnies américaines n’ont aucune justification pour demander au Gouvernement américain de geler unilatéralement les vols d’Emirates vers les Etats-Unis, ou de poursuivre d’autres actions dans le cadre de l’accord Open Skies. Nous ne sommes absolument pas subventionnés, et nos opérations ne nuisent pas à ces compagnies mais bénéficient aux consommateurs, aux collectivités et à l’économie nationale américaine. » air-journal_b777_EmiratesEmirates réfute systématiquement chacune de ces accusations de subventions. Les trois compagnies aériennes américaines prétendent qu’Emirates aurait  reçu plus de $6 milliards de subventions, y compris des subventions couvrant le carburant. Elles affirment par ailleurs qu’Emirates aurait acheté des biens et services à des conditions inférieures à celles du marché, et profité de façon disproportionnée des infrastructures et des frais d’exploitation de l’aéroport international de Dubaï. Pour finir, elles accusent Emirates de bénéficier d’un avantage artificiel de coûts grâce à la législation du travail spécifique des Emirats Arabes Unis. Pour le PDG, « les accusations de subventions avancées par les trois compagnies aériennes américaines sont absolument fausses. Nous sommes bénéficiaires depuis 27 ans, et à l’inverse de nos détracteurs, nous n’avons jamais dû compter sur les sauvetages de notre gouvernement ou sur la protection de la concurrence. En réalité, le gouvernement de Dubaï nous a averti dès le début que nous devions être rentables et voler de nos propres ailes. C’était valable à l’époque et cela l’est encore aujourd’hui. Dubaï ne possède pas de réserves pétrolières, et s’est lancé par conséquent dans une stratégie bien établie pour diversifier son économie, grâce notamment au transport aérien. Cette directive est ce qui nous a conduit à être précurseur en la matière, avec un business model fructueux, axé sur des vols long-courriers, un service et une expérience client parmi les meilleurs au monde, et un hub international de haute qualité ». Tim Clark ajoute : « Notre développement mondial est fondé à partir de nos propres flux de trésorerie, et sur la dette levée sur les marchés à travers les banques et les institutions financières. Nous devons notre succès à des performances commerciales supérieures. A ce jour, nous avons payé à notre actionnaire, le gouvernement de Dubaï, plus de 3 milliards de dollars en dividendes. Tout cela est précisé dans nos comptes, qui sont audités par Pricewaterhouse Coopers. Nous sommes financièrement transparents, et nous publions depuis plus de 20 ans l’intégralité de nos comptes certifiés ».  Les compagnies aériennes américaines ont construit leur argumentaire sur de mauvaises bases juridiques, et demandent à leur gouvernement d’enfreindre la loi en imposant un gel unilatéral des vols. Une grande partie des accusations repose sur l’argument que les règles antisubventions de l’OMC s’appliquent à l’aviation internationale ou sont implicitement incorporées à l’accord Open Skies. C’est fondamentalement faux. « Il est ironique de constater que les trois compagnies aériennes américaines tentent de défendre leur cas en s’appuyant sur les règles de l’OMC, alors que les Etats-Unis se sont toujours opposés aux tentatives d’inclure le transport aérien dans l’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services), à leur demande. Ceci serait en partie dû au fait que les compagnies aériennes américaines seraient elles-mêmes une cible de choix pour ces restrictions, et devraient pour la première fois être en concurrence avec des transporteurs étrangers sur leur propre marché jusqu’alors protégé.  Et même si les règles de l’OMC étaient applicables – ce qui n’est pas le cas – ces compagnies aériennes auraient à charge de démontrer qu’Emirates a été subventionnée et que cela aurait entraîné un préjudice concurrentiel, ce qu’elles n’ont pu faire jusqu’à présent ». Concernant le gel unilatéral demandé par Delta, United et American Airlines sur la base de l’Article 11 d’Open Skies, les trois compagnies se fondent sur un article non-pertinent, qui de fait se focalise sur l’accessibilité (opportunité juste et équitable). Les subventions sont traitées dans l’Article 12 de cet accord, qui définit les procédures spécifiques pour faire face aux prix artificiellement bas en raison de subventions gouvernementales directes ou indirectes. De surcroît, les articles 11 et 12 interdisent les actions unilatérales, avec des exceptions très limitées qui n’incluent pas les subventions. Tim Clark précise : « En demandant au gouvernement américain de prendre une action unilatérale, les trois compagnies américaines demandent en fait aux Etats-Unis de violer leurs propres obligations internationales. Cela pourrait mettre en danger les relations américaines dans le cadre d’Open Skies avec les 113 autres pays membres, ainsi que tous les bénéfices importants qui en résultent pour le client ». air-journal_Emirates 777-200LRLes trois compagnies aériennes américaines prétendent réaffirmer leur fidélité aux « principes fondateurs » de l’accord Open Skies, alors qu’en réalité elles le soutiennent uniquement lorsqu’il sert leurs propres intérêts. Elles essayent d’exclure des compagnies aériennes qui offrent aux consommateurs un choix compétitif. Emirates est fière de contribuer aux objectifs d’Open Skies : une concurrence équitable, une fréquence de vols accrue, plus de choix pour tous les consommateurs, des services améliorés, de l’innovation et la promotion des voyages professionnels et touristiques. Nous y travaillons ardemment en proposant à nos clients américains des vols directs vers plus de 50 villes qui ne sont pas desservies par Delta, United et American Airlines. Nous transportons des touristes, des voyageurs d'affaires et des biens, reliant ainsi l'Amérique à certains des marchés les plus dynamiques du monde, en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Tous nos vols sont opérés sur une base entièrement commerciale, avec en moyenne un taux de remplissage de nos appareils de plus de 80%, répondant à la forte demande pour nos services de haute qualité sur les Etats-Unis. Emirates dessert 84 vols par semaine depuis neuf villes américaines - Boston, Chicago, Dallas/Fort Worth, Houston, Los Angeles, New York et San Francisco, Seattle et Washington DC. La valeur économique annuelle estimée des vols opérés par Emirates auprès de ces aéroports et de leurs régions est de 2.9 milliards de dollars. De surcroît, par l'intermédiaire d'accords inter-compagnies, Emirates a pourvu 775,000 passagers aux compagnies aériennes américaines, pour un montant de 133 millions de dollars en bénéfices financiers sur ces cinq dernières années. Les compagnies aériennes américaines engrangent des profits record, tout en restant au bas de l’échelle des enquêtes de satisfaction effectuées auprès des clients. Elles se plaignent d’avoir perdu du trafic au profit de leurs concurrentes, mais dans les faits le trafic a augmenté sur chaque nouvelle liaison sur laquelle Emirates est présente. Les trois compagnies américaines affirment qu’à chacun de leur vol quotidien perdu au profit de la concurrence étrangère, ce sont 800 emplois américains qui disparaissent. Elles s’appuient sur deux études sur la création d’emplois sur les marchés allemand et autrichien, et après une analyse plus approfondie, on constate que ces études contredisent leurs arguments puisqu’il en ressort qu’Emirates a contribué à la création de 2400 emplois en Allemagne et 3300 en Autriche par trajet aller-retour. Depuis quelques temps, de nombreux acteurs pointent du doigt les intérêts divergents de ces 3 compagnies aériennes américaines, en conflit avec l’accord Open Skies. Ces acteurs, dont des compagnies low cost, des compagnies de fret et des acteurs du tourisme et de l’hôtellerie, sont de bien meilleurs témoins de la réalité de la situation que Delta, United et American Airlines. Tim Clark a conclut : « les écrits des trois compagnies américaines sont parsemés de rhétoriques égoïstes sur le « commerce loyal », les « règles du jeu équitables », la « sauvegarde des emplois », mais sont discrédités dès lors qu’on se penche sur leur véracité. Les accusations clamant qu’Emirates recevrait des subventions ou pratiquerait la concurrence déloyale sont fausses. Les trois compagnies aériennes américaines sont loin d’être financièrement impactées par Emirates et n’opèrent pas sur les mêmes marchés que les nôtres. Ces compagnies, non-contentes de leur marché domestique protégé et de leurs alliances anti-trust qui leurs permettent des ententes sur les capacités et les prix avec leurs joint-ventures, utilisent désormais leur force de lobbying pour restreindre l’accès à des liaisons aériennes aux entreprises, collectivités et consommateurs américains. Le dossier présenté par Delta, United, et American Airlines est une passoire, et si leur campagne protectionniste venait à aboutir, cela aura un impact bien au delà des compagnies du Golfe ».