La proposition de la compagnie aérienne Air France de suspendre le projet de création de la low cost Transavia Europe n’a pas suffi : les pilotes poursuivent la grève, avec pour résultat l’annulation d’un vol sur deux ce mardi. Et l’appel des patrons des autres transporteurs du pays, les exhortations du Premier ministre ou les plaintes des agences de voyage ne changeront sans doute rien au jusqu’au-boutisme syndical. Pour la journée du mardi 23 septembre 2014, la compagnie nationale française prévoit d’assurer 48% de son programme de vols dans les aéroports de son réseau, « compte tenu d’un taux de pilotes grévistes estimé à 57% pour cette journée ». Air France dit comme les jours précédents « regretter cette situation et mettre tout en œuvre pour limiter les désagréments que cette grève pourrait occasionner à ses clients » ; elle leur demande de vérifier sur www.airfrance.fr si leur vol opère avant de se présenter à l'aéroport (les vols affichés comme maintenus pour la journée du mardi opèreront), et conseille à nouveau à ses clients ayant réservé un vol entre le 15 et le 26 septembre de reporter leur voyage ou changer leur billet sans frais. La poursuite de la grève a été annoncée hier par Jean-Louis Barber, président du syndicat majoritaire SNPL AF Alpa lors d'une conférence de presse, dénonçant « l’ultime proposition » du PDG d’Air France-KLM comme une « ultime provocation ». Selon lui, la proposition de suspendre le projet jusqu'en décembre est « un artifice pour mieux faire renaître le projet en janvier, car la direction pense que les pilotes n'oseront pas faire grève à Noël ». Les trois syndicats grévistes (SNPL, SPAF et Alter) ont publié un communiqué commun avec la CGT, le SNPNC-FO, l’UNAC, l’UNSA et Sud-Aérien, exigeant « le retrait sans condition du projet Transavia Europe, synonyme de délocalisation de nos emplois » et demandant au gouvernement actionnaire de « mettre fin au démantèlement en cours et programmé du groupe Air France ». Le Premier ministre Manuel Valls a estimé raisonnables les propositions de la direction et en a appelé à « la responsabilité de chacun, notamment des pilotes ». « Il faut que cette grève s'arrête le plus vite possible », a-t-il déclaré. Les dirigeants des autres compagnies aériennes françaises ont appelé le SNPL et les pilotes à mettre fin à la grève au nom de la protection du pavillon national : pour Alain Battisti (Chalair Aviation), président de la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM), Pascal de Izaguirre (Corsair International), Laurent Magnin (XL Airways), Cédric Pastour (Aigle Azur) et Marc Rochet (Air Caraïbes), « l’urgence de la situation réclame une mise au point ferme et précise ». Dans leur lettre ouverte, ils rappellent que « le pavillon français vit depuis douze années consécutives une réduction de ses parts de marché sous l'effet d'une concurrence intra et extra communautaire à laquelle nos entreprises résistent avec courage dans un environnement réglementaire, fiscal, social et administratif défavorable et de plus en plus complexe. Le manque de compétitivité qui caractérise le tissu économique de notre pays est difficile à compenser pour les compagnies aériennes. La concurrence frontale des compagnies étrangères et pas seulement des « low-cost », le développement de nouveaux hubs internationaux, tirent parti de l'inadaptation chronique de notre pays, et du retard de productivité de nos entreprises. L'attrition du pavillon français avec à la clef une baisse de l'emploi, présent et futur, menace clairement nos compagnies, nos métiers, l'avenir de nos enfants, alors que plus d'un millier de pilotes français sont en recherche d'emploi. Rares ont été les plans de reconquête, créateurs de richesses et d'emplois. Rares sont les opportunités d'investissements. Les années récentes avec la disparition de près de 60 opérateurs aériens, la quasi-disparition de l'aviation d'affaires française, laissent peu de place à un avenir radieux, si collectivement nos entreprises ne réussissent pas à s'adapter pour être compétitives face à des compagnies européennes qui ont déjà achevé leur transformation. La concurrence évolue à un rythme incroyable, et la nécessaire adaptation est simplement devenue vitale. La France, par sa position géographique au cœur de l'Europe, son poids démographique et ses attraits touristiques constituent un marché porteur de promesses de redéveloppements, et de créations d'emplois. Nos compagnies aériennes n'ont pas le droit de gaspiller cette chance. Refuser par peur, conservatisme ou dogmatisme tout nouveau projet affaiblit le pavillon français et constitue un renoncement à notre avenir. La profession de pilote que vous exercez, exige rigueur, discipline, responsabilité et sang froid. Cette profession qui est souvent née d'une vocation s'exerce avec passion tout au long d'une vie. Elle n'autorise pas les comportements qui la dévaluent. Le jusqu'au-boutisme apporte un discrédit profond et ravageur à la profession de pilote et plus largement à nos métiers et nos entreprises, mais aussi à notre capacité collective à créer de nouveaux emplois ». Le Syndicat national des agences de voyage (SNAV) a de son côté évalué à 5 millions d’euros l’impact de la grève des pilotes en une semaine. « Le moment venu, nous demanderons à Air France de compenser cette perte », affirme l’organisation qui souligne en particulier les difficultés des professionnels à trouver des sièges chez d’autres compagnies aériennes dans le cadre des forfaits tourisme. Des problèmes qui concernent aussi la surcharge de travail dans les agences, l’assistance des clients en France et à l’étranger, ou encore la recherche des solutions de remplacement prévues dans le cadre des prestations de voyages d’affaires, explique le SNAV. La filiale régionale HOP! a rappelé hier à ses clients que ses vols « opèrent normalement la semaine du 22 septembre 2014 ». « En effet la grève lancée par certains syndicats de pilotes de ligne d’Air France sur la période du 15 au 26 septembre affecte uniquement les vols effectués par un avion de la compagnie Air France », explique la compagnie sur la page d’accueil de son site internet. Rappelons que les vols de Transavia ne sont pas non plus affectés par la grève.