On le savait déjà, WikiLeaks l'a confirmé: les diplomates américains jouent un rôle de plus en plus important dans le match à plusieurs milliards de dollars qui oppose Boeing à Airbus. Tels que relatés dans le quotidien New York Times, les câbles diplomatiques fuités par Wikileaks révèlent que l'équipe du président Obama jouent des mêmes ressorts que ses prédécesseurs quand il s'agit de vendre des Boeing – et que Sarkozy et ses homologues européens pour Airbus. Le quotidien égrène ainsi quelques exemples révélateurs du comportement des clients – et du rôle des diplomates - quand il s'agit de signer un chèque de plusieurs milliards à Boeing, alors même que les Etats-Unis et l'Europe ont signé il y a 30 ans un accord interdisant de mêler relations internationales et vente d'avions. En Arabie Saoudite, une lettre personnelle envoyée en 2006 par George Bush pressait le roi d'acheter 43 Boeing pour Saudi Arabian Airlines et 13 pour la famille royale. Le roi déclara alors que les Boeing étaient ses favoris (et achetant un 747 usagé plutôt que deux Airbus neufs), mais qu'il avait une demande: que son jet privé dispose des mêmes systèmes hi-tech que l'Air Force One de "son ami Bush". Une fois que cela serait fait, le roi apporterait une réponse "qui plairait beaucoup" aux Etats-Unis. Après quelques années de négociations serrées, Saudi Arabian a acheté en novembre dernier 12 777-300ER avec options pour dix autres – et le Département d'Etat a confirmé que le jet privé du roi avait reçu "un upgrade". Autre exemple cité par le New York Times, celui de la Turquie. En janvier 2010, Turkish Airlines (possédée à près de 50% par le gouvernement) étudie la possibilité d'acquérir 20 Boeing. Le ministre des transports rencontre alors l'ambassadeur américain et lui explique que la Turquie voudrait renforcer son programme spatial au point mort, et se faire aider par la FAA pour la sécurité aérienne. Le câble de l'ambassadeur mentionne la présence d'un astronaute turc sur la navette spatiale (pas en orbite), et la nécessité d'apporter une réponse pour optimiser les chances de vendre les Boeing. Un mois plus tard, Turkish Airlines passait commande chez le constructeur américain. Au Bangladesh, la premier ministre exigeait en 2009 l'ouverture de créneaux de vol à l'aéroport JFK en échange de la commande de Boeing par la compagnie nationale Biman. "A quoi cela sert-il de commander des Boeing s'il n'y a pas de route vers New York", demandait-elle alors. Biman a fini par commander les Boeing, mais ne peut toujours pas se poser à New York. Et puis, il y a les amis de longue date des Etats Unis, dont le roi Abdallah II de Jordanie qui déclarait en 2004 que "même si l'offre d'Airbus est meilleure, il avait l'intention de pousser politiquement la compagnie Royal Jordanian" à acheter chez ce dernier. Ce qu'elle fit. Rien de particulièrement surprenant dans tout cela: après tout, Boeing est le premier exportateur de biens aux Etats-Unis, et gagne 70% de ses revenus à l'étranger. Chaque milliard gagné par le constructeur représenterait même 11 000 emplois. Pas étonnant donc que l'administration Obama essaie par tous les moyens de pousser à la vente, histoire de sortit son pays de la récession. Seul problème, Boeing est du coup moins crédible quand il dénonce les aides gouvernementales européennes à Airbus…