Publié le 5 novembre 2024 à 20h00
Le 24 juin 1914 dans le ciel : Le record de durée dans l’escarcelle de l’Allemagne
Publié le 24 juin 2012 à 00h03 par Stéphanie Meyniel
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STOEFFLER a commenté :
21 mai 2014 - 10 h 28 min
Bonjour,
Je suis le petit fils de Victor STOEFFLER et je souhaite que vous preniez connaissance de son exploit dans cet article ci-dessous.
Si cela vous intéresse vous pouvez aller sur le site de Victor STOEFFLER.victor.stoeffler.pagesperso-orange.fr/
Bien cordialement
Pierre STOEFFLER
Pionnier de l’aviation :
Victor Stoeffler : les 90 ans de son exploit en octobre 2003
Record du monde de distance parcourue en 24 heures : 2160 km
C’est le 14 octobre 1913 que cet aviateur strasbourgeois habitant la Robertsau a réalisé le record du monde de la plus grande distance parcourue en 24 heures et le premier vol de nuit de minuit à minuit.
Exploit réalisé sur un Aviatik biplan à moteur Mercedes
Le centenaire de l’aviation 2003 : un siècle de vol motorisé
C’est aussi dans le courant de cette année 2003 que sera célébré dans le monde le centenaire du premier vol motorisé des Frères Wright effectué 17 décembre 1903.
De nombreuses manifestations sont prévues.
Wilbur et Orville Wright accomplirent, le premier vol moteur contrôlé à bord d’un aéronef “plus lourd que l’air” (un saut de 260 m, restant en l’air 59 secondes).
Pour commémorer ce centenaire, de nombreuses manifestations auront lieu aux Etats-Unis et dans le monde entier.
Les frères Stoeffler
Entre 1910 et 1914, Victor Stoeffler et son frère Ernest ont été parmi d’autres des héros du début de l’aviation. Leur audace et leur courage ont contribués au développement de ce sport.
Une rue de la Robertsau porte leur nom
Il nous semble intéressant pour cette année 2003 que leur histoire soit racontée et de relater certains de leurs exploits.
Madame Robert Stoeffler (belle-fille de Victor Stoeffler) nous a aimablement communiqué le récit suivant
Du rêve d’Icare à…Neil Armstrong
«Un grand Alsacien de l’aviation:
Paul Victor Stoeffler»
Icare, fils de Dédale, s’enfuit du Labyrinthe de Crête au moyen d’ailes attachées avec de la cire. Mais Il s’était trop approché du soleil, la cire fondit et Icare tomba à la mer.
Le 21 juillet 1969, l’Américain Neil Armstrong fut le premier homme à fouler le sol de la lune.
De tout temps le rêve de l’homme était de voler. Un rêve obsédant qui date de l’Antiquité, de l’âge de la pierre polie, de la mythologie grecque on passant par les Incas, Virgile en parle, Aristote aussi. Sans oublier l’un des plus grands génies que l’humanité ait connu: Léonard de Vinci.
Du premier «saut de puce» de Clément Ader en 1890 aux avions supersoniques, sans même entrer dans le domaine de l’astronautique, l’histoire de l’aviation est longue, bien trop longue pour que nous ayons la prétention de tracer un tableau d’ensemble. Notre intention se limite à mieux faire connaître encore un grand pilote alsacien, Victor STOEFFLER, un de ces pionniers des temps héroïques de l’aviation et plus précisément des années qui précédaient la première guerre mondiale.
Il fut un de ces aviateurs, lesquels par leur courage, leur extraordinaire endurance, leur témérité, leur ténacité aussi, contribuèrent à l’essor fantastique que connut l’aviation. Comme ses compagnons prestigieux, qu’ils furent Américains, Italiens, Russes, Anglais, Hollandais, Polonais ou Allemands sans oublier les Français bien sûr, frères dans les dangers mais néanmoins rivaux dans les exploits, Victor Stoeffler apporta par son expérience et ses records une aide considérable au développement de l’aviation.
Il convient de signaler que c’est dans les années 1910-1911 que les grandes usines d’aviation font leur apparition. Après les Voisin, les Farman, les Blériot (Blériot avait réussi la traversée de la Manche en 1909), les Wright, des sociétés de constructeurs se créent un peu partout dans le monde et marquent le point de départ de firmes aux glorieuses carrières.
En Angleterre c’est Bristol, Farnborough, De Havilland. Aux Etats-Unis c’est Glenn Martin avec Lawrence Bell, mais aussi Donald Douglass et James McDonnell ou encore Glenn Curtiss et Clyde Cessna. En Autriche, le Hollandais Anthony Fokker Construit son premier avion. En France c’est Breguet, Morane-Saulnier, Cauldron et Hanriot. Il serait injuste d’oublier le Russe Sikorsky qui imagina et réalisa le pre¬mier quadrimoteur du monde.
A cette époque les pionniers français avaient pris une avance considérable dans le domaine de l’aviation, avance principalement ressentie par les aviateurs allemands et leurs constructeurs. C’est dans les années 1912-1913 qu’ils firent des efforts considérables pour rattraper leur retard, aidés en cela par la fameuse «National-Flugspende» dont le Prince Henri de Prusse fut l’instigateur et le grand protecteur des pilotes.
Les meetings aériens se succédaient à un rythme accéléré. Johannisthal, près de Berlin, fut à l’époque le «berceau» de l’aviation allemande alors qu’un peu partout ailleurs se multiplièrent les aérodromes et les usines. A la fin de l’année 1913 on ne compte pas moins de 16 grandes usines ou marques avec les Albatros, Aviatik, Dorner, Euler, Grade, Har¬lan, Rumpler, Schwade. Union, L.F.G. ou encore Mars et les monoplans Krieger, Reissner, Kondor Torpedo, Lawrenz et la liste n’est certes pas exhaustive.
Grâce à la National-Flugspende qui allouait des prix considérables dont le premier était de 100.000 Marks or. Il n’y a rien d’étonnant que de nombreux records furent battus car la rivalité était grande entre les concurrents dont l’audace et la témérité forcèrent l’admiration. Sur des engins (on hésiterait aujourd’hui à les appeler avions) faits de bois, de toile, de cordages, de filins d’acier, de tôle, les héros de l’époque bat¬taient surtout des records de vitesse, d’altitude, de durée, de distance entre deux villes.
Mais l’ambition de Victor Stoeffler, après avoir gagné de nombreux meetings, établi de multiples records en ligne comme Mulhouse-Schloppe (en Prusse occidentale) avec un passager, en 9 heures pour 920 km, Mul¬house – Varsovie (1100 km), Varsovie – Berlin on 4 heures etc. était d’effectuer des vols de longues distances, des raids, les fameux «Uberlandflüge» les premières liaisons de capitales européennes, ce qui impliquait obligatoirement de voler la nuit.
La carrière en tant qu’aviateur de Victor Stoeffler fut, somme toute, assez courte, mais oh ! Combien fructueuse! Parmi ses nombreux exploits il convient de mettre en exergue son fameux record du monde en 24 heures mais aussi celui d’avoir été le premier aviateur au monde à avoir volé de nuit, c’est-à-dire, de minuit à minuit.
Mais avant d’évoquer ces records de distances et de courage, traçons dans les grandes lignes la carrière de Victor Stoeffler, une vie d’aviateur intense, empreinte d’aventures comme celle des héros épiques. Aussi ne fau¬drait-il pas s’étonner de trouver dans nos propos des termes homériques.
Victor Stoeffler vit le jour le 9 juin 1887 à Strasbourg, à la Robertsau plus précisément. Son père possédait alors un grand atelier de ferronnerie et constructions métalliques au N° 67 de la rue Saint Fiacre. A partir de là il n’est guère étonnant que le jeune Victor eût vite fait de se familiariser avec les techniques mé¬caniques. Après des études secondaires, le hasard, dont le cheminement échappe souvent à la raison ou à la logique, voulut que notre jeune héros rencontre à Bruxelles, en 1910, des aviateurs. Ce fut l’un des grands tournants dans sa vie. Comme d’autres découvrent la haute montagne, comme certains se prennent de passion pour la mer, Victor Stoeffler attrapa le virus de l’aviation. Il entra dans le monde de l’épopée qui suppose un besoin de l’incon¬nu, d’un monde merveilleux de la lutte achar¬née qui est l’action épique par excellence.
Pour apprendre à piloter Victor avait pris un emploi de monteur dans l’usine d’aviation Farman de Mourmelon près de Reims, la plus grande école de pilotage française. Chaque constructeur y avait son école et ses hangars : Antoinette, Voisin, Farman, Blériot et Santos-Dumont. Mais l’ambiance et les réflexions à l’égard des alsaciens ne l’encouragèrent pas à rester. A cette époque la France souhaitait conserver son savoir-faire et son avance.
A la fin de l’année 1910, Stoeffler est di¬recteur des ateliers de Gabriel Poulain à Johannisthal, Poulain qui possédait à ce moment-là, avec un moteur Argus, l’avion le plus rapide.
Début 1912, Stoeffler passe son brevet de pilote (N° 174 délivré par la FAI Fédération Aéronautique Internationale). L’ascension — c’est le cas de le dire —fut à partir de ce moment, fulgurante. Notre Strasbourgeois forma alors lui-même des pilotes tout en participant à de nombreux mee¬tings. S’il ne fut pas toujours le meilleur, ce qui est dans l’ordre des choses, il réalisa souvent des performances stupéfiantes.
Changeant de constructeur, début 1913, Victor Stoeffler passa chez Aviatik dont les usines se trouvaient à Mulhouse-Bourtzwiller. Les essais étaient réalisés sur l’aérodrome de Habsheim. En tant que pilote en chef, il remporta sur «Aviatik» le Grand Prix de Kiel (3000DM), la semaine internationale de Breslau, de Geisenkirchen et il serait fastidieux d’énumérer toutes les autres victoires.
Mais comme nous l’annoncions plus haut, l’ambition de Stoeffler était de s’attaquer à des records de longues distances, c’est-à-dire des raids. Le record des 24 heures à l’époque ap-partenait au Français Brindejonc de Moulinais avec 1380 km réalisé sur le parcours Paris¬ Berlin-Varsovie. Ce record, Victor Stoeffler le battait le 14 octobre 1913. Parti de Johannis¬thal à minuit, il se dirigea vers l’est et atterrit sur l’aérodrome militaire de Poznan à 2 h 55. Il en repartit à 3 h 30 et rentra à Johannisthal à 6 h 05. Après s’être ravitaillé, Stoeffler re¬partit à 6 h 45 dans la direction de Mulhouse où il arriva à 13 h. Il continua immédiatement vers Darmstadt où il était à 17 h 50, ayant couvert 1400 km. A l’aérodrome de Darmstadt il se fit contrôler et repartit.
Il revint à Darmstadt à 21 h 30 ayant cou¬vert à ce moment 1910 km en 19 h 45 min. Le record de Moulinais était largement battu. Mais l’Alsacien repartit vers Mulhouse à 21 h 40. A 23 h 25, Stoeffler passa sur Strasbourg où tout avait été préparé pour son atterrissage au terrain d’aviation du Polygone. Inutile sans doute de dire que les rues de Strasbourg étaient noires de monde. Mais Stoeffler sentant qu’il avait encore la ré¬sistance physique nécessaire et assez de carburant, préféra continuer sur Sélestat pour se faire contrôler et terminer son périple d’un jour sur l’aérodrome de Habsheim par un at¬terrissage en vol plané à 24 h 42 min.
Il venait d’effectuer en 22 h 47 de voyage effectif, la distance de 2165 km. Record du monde absolu.
Lors de la reconstitution de cette histoire en 1973, madame Victor Stoeffler avec laquelle nous avons eu le grand plaisir et l’immense joie de bavarder, d’évoquer des souvenirs, une grande dame, dont la modestie n’est certes pas le moindre mérite, a bien voulu mettre à notre disposition ses archives personnelles concernant son illustre mari, qui n’était encore que son fiancé à l’époque 1912 que nous évoquons. Madame Stoeffler nous parla avec une dignité émouvante de son champion du monde: de son premier baptême de l’air, à l’insu de ses parents, des autres vols qu’elle fit dans un habitacle non fermé, exposée à la froidure de l’atmosphère à 2000 m d’altitude, de son appré¬hension bien imaginable, mais bien vite effacée par la confiance «en son héros», des nombreux vêtements — il faisait si froid là-haut — maculés de cambouis etc. Des anec¬dotes à ne plus en finir, racontées avec un humour bien alsacien, des craintes, des joies, des angoisses! Victor Stoeffler, premier avia¬teur à faire le tour de la Cathédrale de Stras-bourg ; Victor Stoeffler qui voit son appareil prendre feu juste avant d’atterrir; Victor Stoeff¬1er qui lors d’un atterrissage forcé dans de mauvaises conditions s’arrête à quelques mè¬tres d’un hangar à munitions en Pologne à moins que cela ne fut en Russie… Il y avait vraiment de quoi faire frémir…
En descendant de son avion à Habsheim, Stoeffler convenait ressentir une grande fati¬gue. Plus de 22 heures aux commandes d’un appareil «Aviatik> biplan, équipé d’un moteur Mercedes de 100 CV, toutes les commandes devant être actionnées continuellement au pied ou manuellement. Les appareils de bord étaient réduits au minimum, à savoir, la technique d’alors: une boussole — mais Stoeffler en emportait toujours deux — des cartes, un altimètre et… le clair de lune quand il y en avait, les fleuves, les canaux, les mon¬tagnes, les villes, et finalement le flair, cet instinct qui fait que l’aviateur et sa machine ne font qu’un. Une sorte de mariage dans la solitude avec la chance. Plus la peau de bique, lunettes, cache-col et bonnet de cuir pour ne pas mourir de froid. Et une foi inébranlable!
Des archives de Madame Stoeffler nous nous permettons d’extraire ces quelques lignes d’un article paru dans un journal français de l’époque s’intitulant: «Un record d’aviation merveilleux mais inquiétant» Ce raid merveilleux de Stoeffler nous donne à réfléchir! Il nous prouve que pendant que nous nous endormons dans notre confiance, fidèle à notre habitude de créer, mais de ne pas organiser, les Allemands veillaient et produisaient. Depuis trois mois, ils nous ont montré leur singulière activité et, maintenant, ils s’attribuent le plus beau record de l’aviation: ils ont des appareils, des moteurs et des hommes. Au début, ils nous ont copiés, maintenant ils n’ont plus besoin de nous. Du jour où l’un d’eux a pris son vol, les autres se sont rendu compte qu’ils pouvaient rivaliser avec nous.
Mais pourquoi le font-ils? Pourquoi réussissent-ils? Parce que, contrairement à ce qui se passe en France, ils ne retirent pas de leurs exploits qu’une récompense d’amour-propre, ils sont aidés, encouragés. L’Etat leur offre des prix, leur créé des facilités. Quel changement avec la France!
Ce qu’il faut surtout retenir du voyage de Stoeffler, c’est la possibilité de voler la nuit. Jusqu’ici, le grand grief adressé à l’aéroplane était le suivant: alors que le dirigeable peut faire des reconnaissances nocturnes, l’avion doit rester au nid!
Quelle réponse éclatante et elle nous vient justement du pays qui peut s’enorgueillir de ces dirigeables. Qu’attendent nos avia¬teurs pour prouver à leur tour, que si nous ne pouvons pas compter sur nos aéronats, nous pouvons avoir espoir dans les sorties des avions la nuit. Il est vrai, qu’eux ne seront pas récompensés! Nous devons faire appel à leur désintéressement et ce n’est pas cette qualité qui nourrit !
I1 nous faut bien admettre qu’un Allemand a accompli un exploit non encore réussi en France. Quel sera celui qui effacera cette om¬bre de notre glorieuse histoire de l’aviation ? » Jacques Mortane Extrait LE MATIN (Journaliste et historien célèbre)
Eh ! oui, si l’Alsace n’avait pas été allemande en 1913, Victor Stoeffler eût été fêté comme un héros national français.
«Les Alsaciens ont tout de même quelque mé¬rite, parait-il. Victor Stoeffler, l’aviateur qui détient le record de la distance en 24 heures, est originaire de la Robertsau près de Stras¬bourg. Il est bien des nôtres. Toute la famille habite encore le pays et il n’est pas le seul Alsacien qui se soit distingué dans l’art de voler à commencer par son frère Ernest.»
Combien de journaux firent mention de l’origine de Stoeffler quand celui-ci fit son dernier exploit? A notre connaissance aucun. Par¬tout on se bornait à signaler simplement sa qualité d’Allemand. On se souvient en effet de notre nationalité particulière quand il s’agit de nous accabler: Mais dès que l’un d’entre nous se distingue il devient Allemand tout court.
Cette mise au point méritait d’être faite même si la rivalité entre deux nations sur un sujet bien donné peut parfois paraître un peu puérile, voire agaçante.
Toujours est-il que Victor Stoeffler annon¬ça en mars 1914 son intention d’abandonner définitivement l’aviation tout au moins d’une façon efficace. On peut s’imaginer aisément l’émotion que provoqua cette nouvelle dans les milieux s’occupant de l’aviation. Les raisons on furent sans doute multiples mais la principale fut certes la suivante: Victor Stoeffler n’avait aucune envie de se battre dans les airs contre ses camarades français car les sombres nuages de la guerre, que devait être la première mondiale, commencèrent à s’amonceler dans le ciel.
Au début de cet article nous avons claire¬ment laissé entendre que notre intention n’était pas de faire l’historique de l’aviation. Il y a des historiens, des spécialistes qui se sont chargés de cette oeuvre. En ce qui nous con¬cerne nous voulions mieux faire connaître Victor Stoeffler qui était véritablement entré dans le monde de l’épopée.
Victor Stoeffler était bien un héros épi¬que, celui qui reste bien un surhomme, un être un peu surnaturel à la mesure du monde où il vivait, non seulement par sa force, son sa¬voir, par l’ampleur de ses exploits et de son courage, mais surtout par son alliance indis¬soluble avec la victoire qui était sa raison d’être. C’est l’hommage que nous voulions lui rendre.
Charles Dorffer
Rédacteur
P.S. Victor Stoeffler devait décéder en 1947 (mais pas d’un accident d’aviation).
Article publié vers 1973 dans un magazine régional. Madame Jeanne Victor Stoeffler est décédée en février 1977 et nous laisse un souvenir extraordinaire de gentillesse et de douceur.