Alors que les compagnies aériennes opérant dans l’Hexagone dénoncent les nombreuses taxes aériennes (aéroport, nuisance sonore, solidarité, aviation civile, etc.) qui leur sont imposées déjà par l’Etat, l’ONG Transport & Environnement (T&E) estime au contraire que la France s’est privée de 4,7 milliards d’euros en 2022 en accordant des niches fiscales à l’aviation.
L’analyse de T&E porte sur les recettes qui auraient dû provenir du transport aérien si le secteur ne bénéficiait pas d’autant d’exemptions. L’étude compare ces recettes potentielles à celles qui ont été effectivement perçues au cours d’une année. C’est ce que T&E appelle le « manque à gagner ».
En France, il n’y a pas de taxe sur le kérosène et seuls les vols domestiques sont soumis à une TVA réduite. Bien qu’ayant le mérite d’exister, la taxe sur les billets est trop faible par rapport à ces exonérations [1]. Enfin, comme les autres pays de l’UE, le principe du pollueur-payeur mis en place avec le marché carbone contient des failles : les compagnies aériennes bénéficient de quotas gratuits [2] et les vols long-courriers (extra-UE) ne sont pas couverts.
1,9 milliards d’euros d’exonérations fiscales pour Air France
Sur les 4,7 milliards d’euros de manque à gagner pour l’Etat, 1,9 milliard d’euros auraient dû être collectées sur l’activité d’Air France, toutes taxes confondues. Cette niche fiscale entretient un modèle économique de compagnie aérienne fondé sur la croissance du trafic grâce à des prix artificiellement bas. Et après les aides d’État du Covid-19, elle constitue une subvention publique pour un mode de transport polluant et qui ne bénéficie qu’à une partie de la population.
« En faisant bénéficier le secteur aérien d’importantes niches fiscales, la France se prive de précieuses ressources pour décarboner le pays. Air France-KLM engrange des bénéfices quasi records en 2022, générés en brûlant des carburants fossiles dans le ciel. Pourtant, la taxe française actuelle ne suffit pas à compenser les avantages fiscaux dont bénéficie le secteur. Plutôt que de glisser le problème sous le tapis en plaidant pour une taxe sur les billets au niveau mondial, Emmanuel Macron ferait mieux de commencer par mettre un terme à ces exonérations fiscales en France», explique Jérôme du Boucher, responsable aviation à T&E France.
6,1 milliards d’euros perdus en 2025
Sans aucune réforme de la fiscalité aérienne, le manque à gagner pour la France augmentera de 30 % d’ici 2025, au fur et à mesure de la reprise du secteur aérien. Eurocontrol estime que le trafic atteindra 92 % du niveau pré-Covid en 2023 et qu’il se rétablira complètement en 2025. Les recettes potentielles non perçues pourraient alors atteindre 6,1 milliards d’euros, selon T&E.
« Combler l’écart pour financer la transition écologique et remédier à la sous-taxation de l’aviation devrait être une priorité absolue pour le gouvernement », estime l’ONG environnementale. Elle recommande donc de supprimer l’exonération de taxe sur les carburants, d’appliquer le taux normal de TVA de 20% sur tous les billets et d’étendre le marché carbone à tous les vols. Ces changements permettraient de combler le déficit de recettes calculé par T&E.
En attendant leur mise en place, T&E propose de relever immédiatement la taxe sur les billets à un niveau qui compenserait les exonérations. Pour la classe Première ou Affaires par exemple, cette taxe sur les billets doit s’élever respectivement à 183 € pour les vols européens, et 864,20 € pour les vols hors Union européenne.
Un prérequis pour décarboner le secteur
L’étude de T&E montre que des taxes plus élevées auront un impact sur le prix des billets des passagers. Cela pourrait entraîner une baisse de la demande et une réduction des émissions de CO2. La fin des exemptions en Europe en 2022 aurait permis d’éviter l’émission de 35 millions de tonnes de CO2, avec un impact climatique total encore plus élevé si l’on tient compte des effets dits « non CO2 » de l’aviation, qui représentent jusqu’à deux tiers du problème climatique du secteur. « Alors que l’aviation cherche à se décarboner, les recettes fiscales devraient être en partie réinvesties dans des technologies propres, comme le kérosène synthétique », préconise l’ONG.
[1] La France prélève des taxes sur les billets (une taxe de solidarité, une écotaxe et une taxe fiscale en Corse) et applique un taux de TVA de 10 % sur les vols intérieurs. Les recettes de la Taxe de l’aviation civile (TAC) ainsi que la taxe aéroport ne sont pas prises en compte dans le calcul du manque à gagner, puisqu’elles sont entièrement réinjectées dans le secteur de l’aviation, via le budget du contrôle et de l’exploitation aériens.
[2] Il s’agit du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE). Les compagnies aériennes bénéficient de quotas gratuits, mais qui ne couvrent pas l’ensemble de leurs émissions. Les compagnies doivent donc acheter le reste de leurs quotas sur le marché. Après 2026, les quotas gratuits seront totalement supprimés.
B744 a commenté :
16 juillet 2023 - 10 h 23 min
Et si on suit les “directives” de cette ONG et qu’on taxe comme ils l’entendent ?
Les autres pays n’ont pas de taxes non plus sur le kerozène ni de taxe “Chirac”. Taxer ne génèrera en aucun cas une baisse de la demande mais un déplacement de celle-ci vers les compagnies étrangères qui prendront leur kérozène ailleurs, amèneront les passagers français à leur hub (AMS, FRA, IST, DXB…ou ailleurs), pour les acheminer vers la destination finale.
Il est assez hallucinant que ces ONG ne comprennent pas (ou fassent semblant de ne pas comprendre) que seules des mesures MONDIALISÉES peuvent être prises dans une industrie mondialisée…!
Greg766 a commenté :
16 juillet 2023 - 13 h 29 min
C’est pour cela qu’il faudrait agir au niveau Européen, car le marché est à minima Européen.
En particulier taxer les vols long courrier partant d’Europe de la même manière que les vols domestiques. Car il n’y a pas de logique à exempter les vols long courrier (les plus polluants malgré un faible nombre de passagers) quand on taxe les vols domestiques (les moins polluants mais ceux qui transportent le plus d’Européens).
À condition comme le suggère l’ONG que ces revenus soient aussi réinjectés dans la décarbonation du secteur. Et pas dans le budget voirie de je ne sais quelle métropole…
B744 a commenté :
17 juillet 2023 - 8 h 12 min
@Greg766
Le passager dont le vol long courrier européen est taxé partira donc du plus proche endroit non taxé. Probablement IST ou CMN ou ALG si les compagnies de ces pays développent leurs réseaux LC (et elles le feront face à une clientèle captive)…
Pioneer300 a commenté :
16 juillet 2023 - 19 h 10 min
Que les ONG s occupent un peu du traffic maritime qui pollue avec son fuel ,ses dégazages en pleine mer et les rafiots pourris ou ceux étant sous pavillons de complaisances qui sillonnent les mers sans que cela ne les interpelle La aussi il faudrait taxer
@Pionner300? a commenté :
17 juillet 2023 - 9 h 01 min
Parce que vous pensez sincèrement que les ONG en question ne s’intéressent pas également « au trafic maritime qui pollue avec son fuel , ses dégazages en pleine mer et ses rafiots pourris…etc… »?
Si vous le pensez sincèrement, c’est que vous parlez sans savoir: allez faire un tour sur les sites de ses ONG et les forums traitant de ces sujets, vous risquez d’apprendre beaucoup de choses qui vous surprendront, je n’en doute pas.
Mais si vous me dites que vous savez tout ça, alors l’indignation dont vous faites preuve dans votre post n’est rien de plus que de la poudre aux yeux lancée pour cacher votre volonté de non action…
« La maison brûle et nous regardons ailleurs ».
C’était du J. Chirac alors Président dans le texte…
Mais c’était surtout il y a déjà longtemps!
Et vous, comment a évoluée votre pensée depuis cette époque?
Greg6 a commenté :
17 juillet 2023 - 9 h 52 min
Je ne mettrai pas en doute le fait que certaines ong, ou certaines personnalités écologistes, ont une vision rationnelle des choses.
Mais aujourd’hui, nous sommes dans une situation ubuesque qui ne mènera à rien :
L’aviation est responsable de 4% des émissions, mais est devenue LE totem médiatique de premier ordre. Au point d’oublier le reste.
Or :
Le numérique pèse 15%, augmente rapidement pour atteindre les 20% en fin de décennie, sans être remis en cause médiatiquement. Jamais.
Des dizaines de centrales thermiques, dont les pires qui tournent au charbon, s’ouvrent chaque année : regardez le plan de développement chinois qui s’appuie en partie sur le charbon.
La non action se trouve là.
Poussez votre raisonnement plus loin: a commenté :
17 juillet 2023 - 10 h 41 min
La non action se trouve là :
Les ONG occidentales dénoncent et font ce qu’elles peuvent pour s’opposer à ces centrales au charbon – entreprise autre – Chinoises …ou polonaises ou allemandes.
Vous pensez bien que s’opposer au gouvernement chinois n’est pas une sinécure…et, soyons clairs, ne donne que peu de résultats… À peine plus de résultats d’ailleurs, face aux volontés des gvts allemands et polonais…
Mais être dans le non-resultat cela ne signifie pas pour autant que ces ONG soient dans la non-action.
Quant aux ONG internes à la Chine qui pourraient pousser de l’intérieur, vous connaissez comme moi le statut de la démocratie avancée chinoise pour n’avoir pas à vous faire un dessin : cela devrait nous conduire à au moins ne pas les attaquer.
Greg6 a commenté :
17 juillet 2023 - 11 h 43 min
Le gros problème, c’est que l’aviation joue le rôle de catalyseur médiatique, je dirais même de diversion.
90% du discours public et médiatique pour 4% des émissions.
On s’installe dans une posture symbolique, mais pas dans une réalité scientifique.
Donc on n’est pas efficace.
De plus, les zones géographiques dans lesquelles l’aviation va croître le plus dans les années à venir, se situent dans des parties du monde où les possibilités sont limitées pour les ong. Pour cause de liberté d’expression limitée.
Du coup, on cherche juste à se donner bonne conscience, pour pouvoir se dire “j’ai fais quelque chose”.
Toulouse1 a commenté :
16 juillet 2023 - 21 h 34 min
Propos dignes des écolos ! Des taxes, des taxes encore, toujours des
taxes !!!
Alex a commenté :
17 juillet 2023 - 11 h 01 min
Il faut savoir qu’en France, 60% du prix d’un billet d’avion sont des taxes. La compagnie aérienne fait un chiffre d’affaire de 40% seulement sur chaque billet vendu. Les taxes et autres sont composées de :
-Taxe de solidarité = 7%
-Ajustement TVA = 8%
-Kérosène = 18%
-Redevance service passagers à l’aéroport = 24%
-Taxe de carburants durables = 2,8%
-Chiffre d’affaire brut pour la compagnie = 40%
FLYINGSUN a commenté :
17 juillet 2023 - 19 h 01 min
Le transport aérien non taxé en France…
il manque aussi sur le transport aérien de passager (solidarité, sureté, sécurité), sur les marchandises , la taxe sur le transport de marchandises, plus la taxe sur les nuisances sonores.
Ce genre d’ONG devrait à minima revoir ses bases.
Au fait comment est financé cette ONG?
Pour l’anecdote, bon à savoir. a commenté :
18 juillet 2023 - 8 h 48 min
L’étude faite par cette ong met aussi en évidence , page 46 de l’étude, que grâce à toutes les diverses aides reçues par Ryanair, cette dernière sur un même vol que ses concurrentes paie 2 à 3 fois moins de taxes…