Postérieurement à la fin de la Guerre d’Algérie, à Ivry-sur-Seine le 11 mars 1963, eut lieu l’exécution du lieutenant-colonel Jean Bastien-Thiry, officier de l’Armée de l’air française.
Opposé, comme l’Organisation Armée Secrète, à ce qu’il appelait le parjure de la France envers les Pieds-noirs, Séfarades et Algériens francophiles, Bastien-Thiry fut l’organisateur de l’attentat raté contre le général de Gaulle, le 22 août 1962, au Petit-Clamart. Cette tentative d’enlèvement (au dire de la défense des assaillants) ne fit ni mort ni blessé. Démasqué, Jean Bastien-Thiry fut arrêté à son retour d’une mission technique au Royaume-Uni.
Bastien-Thiry était issu d’une famille d’officiers militaires catholiques mosellans. Son père, qui avait connu de Gaulle avant-guerre, était membre du parti gaulliste. Diplômé de l’École polytechnique, puis l’École nationale supérieure de l’Aéronautique, au sein de l’Armée de l’Air, il se spécialisa dans la balistique. Bastien-Thiry, ingénieur principal de l’aviation militaire mit au point, pour Nord-aviation, le premier engin air-sol antichar opérationnel du monde, le Nord SS 11. Ce missile équipa massivement la Bundeswehr.
Bastien-Thiry était père de trois filles âgées de 3 à 7 ans. Agnès Bastien-Thiry, trente ans après la mort de son père, écrira un livre pour ressusciter sa mémoire : Mon père, le dernier des fusillés. De son côté, le Cercle Bastien-Thiry a fait éditer en toute légalité un timbre-poste à son effigie, provoquant une polémique philatélique.
Inconscient ou en recherche de martyrisation, au cours de son procès, Bastien-Thiry reniera ses juges : « Nous n’avons pas à nous justifier, devant votre juridiction, d’avoir accompli l’un des devoirs les plus sacrés de l’homme, le devoir de défendre des victimes d’une politique barbare et insensée. » Il s’attaquera directement à Charles de Gaulle et l’assignera au tribunal de l’Histoire : « Nous n’avons transgressé ni les lois morales ni les lois constitutionnelles, en agissant contre un homme qui s’est placé lui-même hors de toutes les lois. »
Jugé pour avoir pour avoir donné l’ordre de tirer sur la voiture du chef de l’Etat ; le 4 mars 1963, la Cour Spéciale de justice présidée par un général, à 22h30 donna lecture de l’arrêt qui condamnait trois accusés à la peine capitale. Le Colonel Bastien-Thiry fut le seul dont la sentence fut exécutée.
Il fut la dernière personne à avoir été fusillée en France. Frappé par une justice d’exception échappant au code pénal, Bastien-Thiry fut aussi le seul homme condamné à mort en n’ayant commis aucun homicide, dans un pays occidental. Le seul avec les époux Rosenberg pour espionnage communiste aux Etats-Unis.
Tout recours en appel ou en cassation fut refusé à Jean Bastien-Thiry ; à trente-cinq ans, il fut passé par les armes dans la semaine qui suivit le jugement. Bastien-Thiry fut rayé des cadres de la Légion d’honneur avant d’être réhabilité par l’indulgence de Valery Giscard d’Estaing envers l’O.A.S. dont il fut sympathisant ; Bastien-Thiry ne faisait pas partie de l’organigramme de cette organisation.
La cour militaire de justice qui condamna Bastien-Thiry fit long feu. Créée par l’ordonnance du 1er juin 1962, le 19 octobre de la même année un arrêt du Conseil d’État la déclara illégale.
Grâce présidentielle refusée ; une dernière messe chantée. Il était 6h39, une pluie venteuse perlait la gabardine bleue de l’Armée de l’air du renégat. Au fossé aux fusillés, talus herbeux du Fort d’Ivry, face au peloton d’exécution, Jean Bastien-Thiry refusa qu’on lui bande les yeux. Déjà au ciel, il nous quitta avant la fin, son visage se transcenda face aux bouches à feu, racontera son avocat.
Coup de grâce au pistolet d’ordonnance ; corps déposé anonymement au carré des suppliciés du cimetière de Thiais. Le grand écrivain Antoine Blondin évoquera cette fusillade en avril 1963 : « … il est dans la fatalité de Caïn de tuer Abel et que l’Etat de fait ne peut faire grâce à l’état de grâce ». Le 11 mars 1963, de nouveau dans l’histoire des nations, la raison d’état l’avait emporté sur les raisons de l’honneur.
Histoire Histoire a commenté :
11 mars 2023 - 7 h 19 min
Bravo Air Journal, vous traitez avec franchise des sujets oubliés de notre histoire.
La tentation tyranique du gaullisme ( Le coup d’état permanent disait Mitterrand) apparait au grand jour dans l’exécution d’un homme au mépris du droit républicain français qui se fonde sur le recours à la cassation.
Qu’on aime ou pas de Gaulle et ses opposants, en 1963 la France fusillante ne faisait pas mieux que l’Espagne franquiste qui garrotait.
Félicitations à la rédaction.
jamma a commenté :
11 mars 2023 - 10 h 51 min
Cette exécution injustifiée et indigne d’une démocratie met à jour les périodes sombres du régime de De Gaulle. Je n’ose imaginer le traumatisme de perdre leur père et leur fils dans de telles circonstances si injustes pour sa famille.
Merci pour cet article fort intéressant.
Shôgun a commenté :
11 mars 2023 - 11 h 29 min
C’était un terroriste, et la peine de mort était en vigueur en France à cette époque pour ce type de crimes.
Juridiquement, il n’y a rien à redire.
Luc a commenté :
11 mars 2023 - 12 h 39 min
Soyons précis à défaut d être d accord.
La peine de mort civile ne pouvait être prononcé que pour homicide.
La peine de mort militaire supposait un état de guerre ou état de siège.
Ni l un, ni l autre…
Ce terroriste ou héros a été exécuté en dehors de tout cadre juridique recevable
Shôgun a commenté :
12 mars 2023 - 18 h 27 min
Soyons précis, en effet.
En droit français, la tentative d’homicide est sanctionnée comme un homicide abouti, ce qui est parfaitement logique et légitime, puisque l’intention est exactement la même.
Le terroriste Bastien-Thiry – que seuls des apologistes du terrorisme peuvent qualifier de “héros” – a été jugé et condamné conformément au droit en vigueur à l’époque pour tentative d’assassinat sur la personne du chef de l’État et de son entourage.
Point.
T-LFSP1 a commenté :
11 mars 2023 - 12 h 05 min
Bjr – Comment peut-on faire des commentaires aujourd’hui pour une affaire qui date de 60 ans et ceci confortablement installé dans son fauteuil ? De Gaulle était loin d’être un grand démocrate même si le personnage a été un héros à un moment donné. Pour info, ce dernier s’était même rapproché du Comte de Paris, l’idée de remettre en place la monarchie l’habitait depuis un moment. D’un autre côté, je n’ai aucune sympathie pour le condamné à mort quant au jugement et l’exécution qui a suivi, on était dans une époque très troublée, tout pouvait arriver n’importe où, le contexte n’était pas celui d’aujourd’hui.
Humm ! a commenté :
11 mars 2023 - 16 h 51 min
T-LFSP1 regarde attentivement nos chaines dites d’infos et a bien appris sa leçon ; Aujourd’hui la France est un grand pays démocratique.
donc... a commenté :
11 mars 2023 - 21 h 52 min
Humm! a bien appris sa leçon de RT, et va nous expliquer que seule la Russie (peut-être aussi la Chine) répond à la définition de démocratie…
juju a commenté :
11 mars 2023 - 17 h 41 min
J’avais 16 ans à l’époque et je me souviens avoir refusé de signer une pétition présentée par un copain de lycée contre son exécution.Je ne pense pas l’avoir jamais vraiment regretté mais ça m’a toujours posé question.En voyant aujourd’hui la forte progression du RN,je pense que,faute d’exécution sommaire comme en 1963,quelques bons coups de pied eu c..l seraient nécessaires….
Brahim Ghali a commenté :
11 mars 2023 - 18 h 52 min
Ce site d’extrême droite fait de l’apologie du terrorisme avec cet article sur ce terroriste d’extrême droite, jugé et condamné légitimement pour l’attentat du Petit Clamart contre le Général de Gaulle mais aussi sa femme, la voiture en face avec 3 enfants, qui a engagé des étrangers pour faire sa basse besogne et n’a pris aucun risque direct.
Je signale l’article sur Pharos pour apologie d’acte terroriste.
AJ lecteur a commenté :
12 mars 2023 - 7 h 17 min
Nous sommes nombreux à apprécier Air Journal 365/365.
Leur rubrique historique évoque un événement extra ordinaire de notre histoire: l’exécution d’un colonel de l’armée de l’air. C’est sans précédent.
Cet article évoque ce fait méconnu et pose une question plus procédurale que morale: peut-on tuer qui n’a tué?
M Brahim Ghali, syconphante vient menacer et s’indigner. Il a atteint le point Goodwin, le reductio ad Hitlerum. Il voit des nazis partout. Est-ce une névrose?
Comme on disait à l’école ” si tu n’aimes pas ça, n’en dégoute pas les autres”.
M Brahim Ghali, abonnez-vous à Médiapart et laissez nous lire le quotidien de notre profession.
S’il existait un site pour dénoncer les casses-bonbons et les rabats-joie, je vous y aurais inscrit avec grand plaisir.
Homme de presse a commenté :
12 mars 2023 - 12 h 48 min
M Brahim Ghali est peut-être le pseudo d’un concurrent d’Air Journal?
M Brahim Ghali flirte avec la diffamation… on aurait déjà vu des cas similiaires.
La confraternité n’est plus ce qu’elle était.
BALD a commenté :
11 mars 2023 - 20 h 15 min
Exécuté oui, une nécessité à l,époque, attaquer le chef de l,etat relève d,une sentence exemplaire.
Aper a commenté :
11 mars 2023 - 20 h 54 min
Même si Bastien-Thiry était Officier de l’Armée de l’Air, je ne vois pas en quoi un site consacré à l’actualité de l’aviation doit rappeler ce fait qui relève du domaine de la politique…
De Lagrange a commenté :
12 mars 2023 - 16 h 17 min
En 1963 de Gaulle à fait appliquer une sentence d’exception par un tribunal à sa botte et qui fut d’ailleurs déclaré illégal.
D’autre part, on ne tue pas quelqu’un qui n’a commis aucun homicide.
John Thomas a commenté :
19 mars 2023 - 21 h 24 min
Bravo !
Jean-Paul Le Perlier Président ADIMAD a commenté :
12 mars 2024 - 12 h 51 min
Certains semblent oublier qu’en bonne justice, on ne juge pas qu’en fonction de l’acte mais en fonction de ce qui l’a motivé.
L’homme que visait le Colonel Bastien Thiry n’avait été porté au pouvoir que sous condition : que ceux de nos soldats qui, pendant huit ans, avaient sacrifié leur vie pour conserver nos départements d’Algérie n’aient pas fait accepté en vain ce suprême sacrifice.
Après avoir juré en maintes occasions que “lui vivant, jamais le drapeau FLN ne flotterait sur Alger”, de Gaulle a trahi toutes ses promesses, livrant les français d’Algérie au terrorisme FLN.
Cela s’appelle “Haute trahison”… Ce qui est passible de la peine de mort !