Boeing a enregistré au premier trimestre une perte nette de 1,24 milliard de dollars, deux fois plus élevée qu’il y a un an, sur un chiffre d’affaires en recul de 8%. Le report à 2025 du 777X est officialisé, et le contrat signé pour le nouvel Air Force One est critiqué pour avoir déjà coûté plus d’1 milliard de dollars à l’avionneur.

Au T1 2022, Boeing affiche un chiffre d’affaires de 14,0 milliards de dollars, en baisse de 8% par rapport à la même période l’année dernière. Ce résultat reflète « une baisse du volume des activités de défense et des charges concernant des programmes de développement de défense à prix fixe, partiellement compensée par le volume des services commerciaux », précise le constructeur dans un communiqué. La perte nette de 1,24 milliard de dollars est à comparer à celle de 561 millions au T1 2021. La perte par action ajustée s’élève à -2,75 dollars, reflétant selon Boeing « des charges avant impôt de 212 millions de dollars relatives à l’impact de la guerre en Ukraine ». Le cash-flow opérationnel du Groupe s’est établi à -3,2 milliards de dollars, « en raison d’un calendrier d’encaissements défavorable ».

La trésorerie et les investissements en titres négociables ont diminué pour atteindre 12,3 milliards de dollars au lieu de 16,2 milliards de dollars au début du trimestre, « essentiellement en raison de sorties de trésorerie opérationnelle et du remboursement de dettes ». Le Groupe dispose de lignes de crédit disponibles pour un montant de 14,7 milliards de dollars ; à la fin du T1, son carnet de commandes s’élevait à 371 milliards de dollars.

Le premier trimestre 2022 « a soulevé de nouveaux défis pour notre planète, notre industrie et notre entreprise. Dans ce contexte, je suis fier de notre équipe et des progrès réguliers que nous accomplissions pour honorer nos engagements clés », a déclaré David Calhoun, PDG de Boeing. « Nous avons augmenté la production et les livraisons de 737 MAX et accompli d’importantes avancées dans le cadre du programme 787 avec la remise de notre plan de certification à l’Administration fédérale de l’aviation américaine (FAA). Malgré les pressions exercées sur nos programmes de développement commerciaux et de défense, nous demeurons sur la bonne voie pour dégager un cash-flow positif au titre de l’exercice 2022, et restons concentrés sur notre performance pour répondre aux exigences de certification et faire évoluer plusieurs programmes clés vers la production. Accordant la priorité à la sécurité et à la qualité, nous prenons les mesures qui s’imposent pour assurer la stabilité d’un bout à l’autre de nos activités, répondre aux engagements pris vis-à-vis de nos clients et positionner Boeing de façon durable pour l’avenir ».

Aviation commerciale

Le chiffre d’affaires au T1 de la division Boeing Commercial Aviation (BCA) s’est établi en légère baisse à 4,2 milliards de dollars, « principalement en raison du calendrier de livraison des avions gros porteurs, partiellement contrebalancée par une hausse des livraisons de Boeing 737 ». La marge d’exploitation de -20,6% reflète également « des coûts anormaux et des charges périodiques, notamment en relation avec les répercussions de la guerre en Ukraine et l’augmentation des dépenses de recherche et développement ».

Boeing dit avoir « pratiquement achevé » le retour en service mondial « et en toute sécurité » du 737 MAX, dont la flotte a totalisé plus d’un million d’heures de vol depuis la fin de l’année 2020. Les cadences de production du 737 continuent d’augmenter et devraient atteindre 31 unités par mois au deuxième trimestre.

S’agissant du 787 Dreamliner, Boeing a remis son le plan de certification à l’Administration fédérale de l’aviation américaine (FAA). Les modifications ont été achevées sur les premiers appareils, et le Groupe « continue de collaborer étroitement avec la FAA pour définir le calendrier de reprise des livraisons ». Les cadences de production de ce programme sont très basses et le demeureront jusqu’à la reprise des livraisons. La production devrait atteindre progressivement le rythme de cinq unités par mois. Le Groupe continue de prévoir des « coûts anormaux » d’environ 2 milliards de dollars, dont la majorité « seront engagés d’ici à la fin 2023, dont 312 millions de dollars comptabilisés au cours du trimestre ».

Au premier trimestre, Boeing a lancé le 777-8 Cargo avec une commande de Qatar Airways, mais c’est surtout la version passager du 777X qui fait la Une, la livraison du premier 777-9 étant à présent « prévue en 2025 en raison de la réévaluation du délai requis pour répondre aux exigences de certification » (une date déjà annoncée par le patron d’Emirates Airlines). Boeing précise qu’afin de « minimiser les stocks et le nombre d’avions nécessitant l’intégration de modifications », les cadences de production du 777-9 ont été « ajustées, avec notamment une pause temporaire jusqu’en 2023 », sans perte d’emploi. Cette décision entraînera des coûts anormaux d’environ 1,5 milliard de dollars dès ce T1 et « jusqu’à la reprise de la production du 777-9 ». En revanche, le programme 777 profitera à partir de fin 2023 de cette pause, via l’ajout de capacité de production des 777 Cargo.

La division BCA a livré 95 avions au cours du trimestre ; son carnet de commandes totalise actuellement près de 4200 avions, représentant une valeur de 291 milliards de dollars.

Enfin pour la petite histoire, on retiendra la critique ouverte de Dave Calhoun à ses prédécesseurs au sujet de la commande du nouvel Air Force One (deux 747-8i initialement destinés à la défunte compagnie russe Transaero). Ils n’auraient selon lui pas dû accepter les termes de l’administration de Donald Trump en 2018, soit un prix fixe de 3,9 milliards de dollars (contre 5 milliards initialement demandés par Boeing) : « Air Force One, je vais juste appeler un moment tout à fait unique, une négociation tout à fait unique, un ensemble de risques tout à fait unique que Boeing n’aurait probablement pas dû prendre. Mais nous sommes là où nous sommes, et nous allons livrer d’excellents avions. Et nous allons reconnaître les coûts qui y sont associés », a déclaré le PDG lors d’un appel aux analystes.

L’avionneur a ajouté à trois reprises des charges aux coûts du programme, qui totalisent plus de 1,1 milliard de dollars. La livraison des Air Force One est désormais reportée à 2025, principalement suite aux problèmes de logistique liés à la pandémie de Covid-19, et l’USAF évoque officieusement début 2026. Rappelons que le dirigeant de Boeing à l’époque s’appelait Dennis Muilenburg, « parti en retraite » fin 2019 après sa gestion des crashes de Boeing 737 MAX.

Boeing : lourde perte, 777X et Air Force One 1 Air Journal

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