Les media ont enfin trouvé leur héros dans les évènements de Tunisie, qui ont vu le président Ben Ali fuir le pays: il s'agit d'un pilote de la compagnie aérienne Tunisair, qui a refusé de prendre en charge la belle-famille du président déchu. Mohamed Ben Kilani, 37 ans, était aux commandes du vol Tunisair TU750 devant relier Tunis à Lyon vendredi dernier à 14h30, et attendait l'autorisation de décoller quand la tour de contrôle lui a annoncé qu'il devait patienter "sur ordre présidentiel" jusqu'à l'arrivée de cinq membres de la famille de Ben Ali. S'il refuse de dire par quel stratagème il a réussi à faire rebrousser chemin à ces passagers "encombrants", parmi lesquels se seraient trouvés la première femme et le beau-frère du président, il raconte à l'envi ce qui lui est passé par la tête à ce moment. "J'ai revu les manifestations populaires de ces derniers mois, j'ai pensé à toutes ces années passées sous la pression, à tous les actes de tortures perpétrés contre ceux qui ont essayé de s’y opposer. Je me suis alors dit que je ne pouvais pas être le convoyeur de ces criminels", et que "si je les avais aidé à fuir, j’aurais été un traître et je l’aurais porté toute ma vie sur la conscience". Un avis partagé par les autres membres d'équipage. Le pilote réfute en revanche toutes les rumeurs qui courent depuis l'incident, comme les propositions d'argent ou les violences. Les membres de la famille Trabelsi rebroussent en tout cas chemin, et quatre heures plus tard la démission du président tunisien est annoncée. Mais l'armée ayant déjà envahi l'aéroport et fermé l'espace aérien, et le vol Tunisair TU750 ne décollera pas – l'avion présidentiel sera l'un des rares à quitter le pays ce soir là.