Sept ans après le crash du vol AH5017 de la compagnie aérienne Air Algérie, qui avait fait 116 victimes dont 54 françaises, la propriétaire de l’avion Swiftair va être renvoyée en correctionnelle.

Le 24 juillet 2014, le vol AH5017 assurant la liaison entre Ouagadougou et l’aéroport d’Alger, opéré par Swiftair pour le compte de la compagnie nationale algérienne, disparaissait des écrans radars en pleine nuit. Le McDonnell-Douglas MD83 avait quitté le Burkina Faso avec 110 passagers français, algériens, libanais ou burkinabè entre autres, et six membres d’équipages espagnols ; il se rapprochait de Gao au Mali quand le contact a été perdu. En 2016, les enquêteurs français du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) avaient conclu que la cause principale de l’accident résidait dans la non-activation par les pilotes du système antigivrage des moteurs, alors que l’avion traversait un phénomène orageux violent. En raison de dépôt de glace sur les capteurs de pression, l’équipage ne pouvait pas s’apercevoir que l’appareil perdait sa vitesse, jusqu’à s’écraser dans le désert.

Comme demandé il y a un an par le parquet de Paris, la compagnie Swiftair (qui louait avec équipage le MD-83 utilisé par Air Algérie) est donc renvoyée en correctionnelle pour « homicides involontaires », accusée de « négligence en ne délivrant pas une formation complète à ses équipages ». Le ministère public avait souligné plusieurs manquements : le commandant de bord n’avait pas suivi la formation initiale à la gestion des ressources de l’équipage (CRM), obligatoire et dispensée par l’exploitant ; lui et sa copilote, employés à titre saisonnier, n’avaient pas reçu la formation complémentaire prévue après une période d’inactivité alors qu’ils ne volaient que quelques mois par an ; le commandant n’avait pas non plus reçu les formations récurrentes (OPC) prévues par la réglementation en vigueur. Une séance de formation manquée au second semestre 2012 par l’équipage portait justement sur la révision des systèmes d’antigivrage ; elle n’avait pas été rattrapée.

« Le caractère incomplet de la formation délivrée constitue une négligence en lien certain avec l’accident, dans la mesure où les pilotes, insuffisamment formés sur les systèmes antigivrage, n’ont pas pu avoir la réaction appropriée en présence des conditions givrantes et n’ont pas utilisé la procédure adaptée », insiste le parquet dans son réquisitoire vu par l’AFP. Sébastien Busy, avocat des associations AH5017-Ensemble et Fenvac et de plusieurs familles de victimes, a déclaré que ce procès « obligera les dirigeants de Swiftair à s’expliquer devant une juridiction pénale et surtout devant les familles des victimes, sur ses choix et sa volonté de contourner la règlementation pour économiser sur la sécurité, à quel prix ! ». Il s’est dit « atterré » par le fait que le juges avaient démontré « sans ambigüité » que le commandant de bord « ne devait pas réglementairement être en vol le jour de l’accident ».

Swiftair continue de son côté de contester toute responsabilité dans l’accident du vol AH5017, citant comme dans quasiment tous les accidents d’avion une combinaison de facteurs : lacunes du manuel de vol sur la particularité du givrage par cristaux de glace, lacunes de Boeing et de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) sur le décrochage qui intervient soudainement sans alarme préalable, cite en particulier l’ordonnance de renvoi. Son avocate Rachel Lindon a salué le renvoi en correctionnelle, qui permettra à Swiftair de « pouvoir enfin être entendue, en ce qu’elle a déjà été l’objet d’une instruction complète et définitive en Espagne qui s’était clôturée par un non-lieu » (considéré en France comme provisoire).

Crash d’Air Algérie au Mali : renvoi en correctionnelle 1 Air Journal

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