Les mesures concernant le transport aérien du projet de loi « Climat et Résilience » sont « discriminatoires, inefficaces et incohérentes » selon le SCARA, qui représente près de la moitié des compagnies aériennes françaises.
Après l’Union des aéroports français (UAF), le Syndicat des Compagnies AéRiennes Autonomes (SCARA) a été à son tour entendu par la commission spéciale de l’Assemblée Nationale chargée d’examiner le projet de loi issu des travaux menés par la Convention Citoyenne pour le Climat. Une convention dont quatre mesures principales sont reprises : renforcer les taxations existantes sur le transport aérien ; mettre fin au trafic aérien intérieur là où il existe une alternative de transport de moins de 2h30 ; interdire la construction de nouveaux aéroports et l’extension des aéroports existants ; et imposer, dès 2022, un programme de compensation carbone pour les vols domestiques – sans renoncer aux impositions actuellement en vigueur : ETS et taxe écologique, rappelle le SCARA dans un communiqué.
Le SCARA « a réaffirmé partager les objectifs de la Convention Citoyenne pour le Climat et approuver la recherche de la neutralité carbone pour le transport aérien et pour l’ensemble des modes de transport ». Mais estime que les mesures envisagées sont « discriminatoires, inefficaces pour atteindre les objectifs environnementaux fixés et incohérentes », avec les arguments suivants :
Discriminatoires :
- Le maintien, voire le développement, de la Taxe de Solidarité sur les Billets d’Avion (TSBA ou taxe « Chirac » dans sa partie environnementale) vient s’ajouter à deux compensations déjà supportées par le seul transport aérien : le programme européen Emission Trading System (ETS), dans lequel les compagnies aériennes payent une compensation financière sur le carburant qu’elles consomment, et le programme CORSIA.
- Les autres modes de transport pourtant également émetteurs de CO2 ne sont concernés par aucune des taxes.
- En ciblant principalement les compagnies aériennes françaises et leur rentabilité globale (seule Air France a pour l’instant annoncé la fin de quatre lignes intérieures en échange de l’aide publique NDLR), car l’essentiel de leurs opérations sont réalisées au départ de la France, cette taxe contribue dégrader leur compétitivité face à leurs concurrents étrangers, dont les opérations au départ de France ne sont qu’une partie de leurs activités.
- En payant trois fois pour la même nuisance, la compensation totale acquittée par le transport aérien pourrait même dépasser 100% du CO2 émis par le transport aérien !
Inefficaces :
Les incitations à ne pas prendre l’avion vont contraindre les voyageurs à utiliser d’autres moyens de transport également polluants lorsqu’on en fait le bilan écologique global. Ainsi, le bilan écologique de la construction et de la maintenance des infrastructures ferroviaires est loin d’être aussi vert qu’on le prétend. De plus, l’énergie nécessaire à la propulsion des TGV provient de centrales nucléaires présentant d’autres défis écologiques à résoudre dans l’avenir, ou de centrales thermiques loin d’être neutre en matière d’émission de CO2.
Incohérentes :
- Dès lors que les émissions de CO2 seront compensées, et elles le seront notamment par le programme CORSIA, pourquoi interdire les vols intérieurs de moins de 2h30 au profit du train alors que ce dernier ne compensera pas ses propres émissions de CO2 et deviendra dès lors plus polluant que l’avion ?
- Et pourquoi interdire la construction de nouveaux aéroports ou l’extension d’aéroports existants, dès lors que le transport aérien aura compensé ses émissions de CO2 ? D’autant que les aéroports eux-mêmes sont également engagés dans un programme de compensation de leurs propres émissions de CO2 à l’horizon 2050 intitulé Airport Carbon Accreditation.
Rappelant que l’aérien « est le mode de transport le plus vertueux en matière d’émissions de CO2 », représentant entre 2 et 3% des émissions de CO2 (des émissions qui par passager transporté ont été divisées par deux au cours des 30 dernières années), le SCARA souligne « les efforts permanents fournis par l’industrie du transport aérien pour réduire les émissions de CO2 » :
- L’amélioration des technologies liées aux aéronefs : nouveaux matériaux plus légers, performances moteurs accrues, aérodynamique optimisée, biocarburants/ hydrogène/ électricité, etc.
- L’optimisation de la navigation aérienne rendant les routes aériennes plus courtes : le programme « Sésar » dans le cadre du programme européen « Ciel Unique ».
- La mise en place du programme CORSIA : l’industrie du transport aérien est la première et la seule industrie, à avoir mis en place un système de compensation d’émission du CO2 au niveau mondial. Les compagnies aériennes s’engagent à compenser l’augmentation de leurs émissions de CO2 par le financement de programmes de compensation carbone tels les projets de reforestation, de production d’énergies renouvelables, et autres, accrédités par l’OACI.
Le SCARA regroupe 50% des compagnies aériennes françaises, basées en métropole et dans les territoires ultra-marins ainsi que des sociétés d’assistance aéroportuaire et de formation. Syndicat professionnel, il a pour mission la promotion et la défense du transport aérien en France et de sa pluralité. Initiateur de nombreuses actions en faveur du transport aérien en France, le SCARA est à l’origine d’avancées structurantes pour l’ensemble de l’industrie au niveau national. Le SCARA anime également les réflexions sur les principaux sujets du secteur avec la publication d’études et de notes de réflexion.
Chris a commenté :
4 mars 2021 - 11 h 33 min
Bonjour,
On a bien compris que le SCARA était contre toutes les mesures de la CCC mais alors du coup quelles sont les mesures qu’ils proposent pour réduire les GES de moitié d’ici 2030 afin d’avoir l’espoir d’un avenir désirable (réchauffement moyen limité à 1,5 °) ?
Pierre a commenté :
4 mars 2021 - 21 h 37 min
Tout d’abord remarquons que les 150 personnes de la convention citoyenne ne sont pas représentatives des citoyens. En effet, la participation des personnes tirées au sort n’était pas obligatoire ce qui revient à tirer au sort 150 personnes dans un groupe restreint à certains profils…
Ensuite, il apparaît clairement que les mesures proposées par la convention sont purement politiques: bien que dans beaucoup de cas l’avion soit moins cher que le train, l’avion est encore vu comme un moyen de transport pour les “riches”, c’est donc un “coupable idéal”. Ils veulent lui “régler son compte” puisqu’ils ne veulent lui laisser aucune chance de s’améliorer.
Hors années de pandémie, l’avion transporte environ la moitié de l’humanité et ne produit, dans sa phase transport, que 3% à 4% du total des GES mondiaux. Si la convention citoyenne arrivait à empêcher tous les avions du monde de voler, il resterait à trouver une solution pour les 96% de GES qu’il restera.
Et si l’on remplaçait l’avion par le train, il faudrait fabriquer plus de train, développer des infrastructures ferroviaires (expropriations, artificialisation de sols), construire des centrales électriques pour alimenter les motrices supplémentaires ce qui serait extrêmement coûteux en CO2.
“L’anti avion” de la convention dite citoyenne ne propose donc qu’une mesure politique et absolument pas technique qui ne résout aucun problème.