Le plus optimiste des trois scénarios présentés hier par Eurocontrol sur les prévisions de croissance du trafic aérien, en fonction de la disponibilité de vaccins, évoque pour 2024 au plus tôt un retour aux niveaux de l’année dernière. L’impact de la pandémie de Covid-19 a entrainé en septembre selon l’IATA une baisse de la demande de 72,8% par rapport au même mois l’année dernière.

Les nouvelles prévisions pour les cinq prochaines années du gestionnaire du contrôle aérien en Europe, présentées le 4 novembre 2020, ne sont pas plus optimistes que les précédentes : le trafic aérien n’atteindra pas les niveaux de 2019 avant 2024 au plus tôt. Et dans le deuxième scénario (« le plus probable » selon Eurocontrol), le trafic de 2024 ne représenterait que 92% du chiffre de 2019. Dans le troisième scénario, le trafic en 2024 représenterait 75% du chiffre de 2019, et « n’atteindrait pas les chiffres observés en 2019 jusqu’en 2029 ». La prévision est basée sur trois scénarios principaux :

  • Scénario 1 – Vaccin été 2021: Vaccin largement disponible pour les voyageurs (ou en fin de pandémie) d’ici l’été 2021, le trafic ne revenant qu’aux niveaux de 2019 d’ici 2024.
  • Scénario 2 – Vaccin été 2022: Vaccin largement disponible pour les voyageurs (ou en fin de pandémie) d’ici l’été 2022, le trafic ne revenant qu’aux niveaux de 2019 d’ici 2026.
  • Scénario 3 – Vaccin inefficace: infection persistante et faible confiance des passagers, le trafic ne revenant qu’aux niveaux de 2019 d’ici 2029.

Ces prévisions montrent que l’évolution du secteur de l’aviation « dépend fortement de la rapidité avec laquelle un vaccin efficace sera largement disponible », et du niveau de confiance du public. Pour Eamonn Brennan, directeur général d’Eurocontrol, « même dans le scénario le plus positif, nous ne prévoyons pas une reprise aux niveaux de 2019 avant 2024. Il y a une très réelle perspective que cette reprise pourrait prendre encore plus de temps, peut-être aussi loin que 2029. C’est un tableau catastrophique pour l’industrie aéronautique », qui selon lui « montre clairement pourquoi il est si important que les États prennent des mesures cohérentes pour soutenir l’industrie aéronautique et faire en sorte que les passagers se sentent à nouveau en sécurité ».

Déprimant : scénarios d’Eurocontrol et trafic mondial en septembre 1 Air Journal

©Eurocontrol

Tout en reconnaissant que faire des prévisions de trafic actuellement est « un défi encore plus grand en raison de l’environnement très volatil », Eurocontrol rappelle qu’entre mars et octobre, le nombre de vols dans les aéroports européens était en baisse de 65% par rapport à la même période en 2019. Et que des risques additionnels existent, dont le Brexit (la continuité est assumée dans les scénarios), la reprise fragile de l’économie – et les décisions des compagnies aériennes en termes de réseau comme des pays en termes de gestion de leur espace aérien (les prévisions ne tiennent pas compte de ces deux derniers points).

L’Organisation du transport aérien international (IATA) a de son côté dévoilé hier ses statistiques de trafic dans le monde en septembre, un peu meilleures que celles du mois précédent : mais la demande totale (mesurée en passagers-kilomètres payants ou RPK) était encore de 72,8% inférieure aux niveaux de septembre 2019, contre 75,2% en août. La capacité a baissé de 63% par rapport à il y a un an, et le coefficient d’occupation des compagnies aériennes a chuté de 21,8 points de pourcentage à 60,1%.

La demande de passagers internationaux en septembre a plongé de 88,8% par rapport à septembre 2019, pratiquement inchangé par rapport à la baisse de 88,5% enregistrée en août. La capacité a chuté de 78,9% et le coefficient d’occupation a fléchi de 38,2 points de pourcentage à 43,5%. La demande intérieure en septembre a diminué de 43,3% par rapport à l’année précédente, après une baisse de 50,7% en août. Par rapport à 2019, la capacité a chuté de 33,3% et le coefficient d’occupation a baissé de 12,4 points de pourcentage à 69,9%.

« Nous sommes rentrés dans un mur en ce qui concerne la reprise de l’industrie », a commenté le PDG de l’IATA Alexandre de Juniac. Une résurgence des épidémies de Covid-19, en particulier en Europe et aux Etats-Unis, « combinée à la dépendance des gouvernements à l’instrument brutal de la quarantaine en l’absence de régimes de test alignés à l’échelle mondiale, a stoppé l’élan vers la réouverture des frontières pour voyager ». Et si les marchés intérieurs se portent mieux, « cela est principalement dû aux améliorations en Chine et en Russie. Et le trafic intérieur ne représente qu’un peu plus d’un tiers du trafic total, il ne suffit donc pas pour soutenir une reprise générale », a-t-il ajouté.

Marchés internationaux :

La demande des transporteurs européens en septembre s’est effondrée de 82,5% par rapport à il y a un an, ce qui était un recul par rapport à une baisse de 80,5% en août. L’Europe a été la seule région à connaître une détérioration du trafic par rapport au mois d’août, en raison d’une recrudescence des infections qui a conduit à une vague de fermetures de frontières. La capacité s’est contractée de 70,7% et le coefficient d’occupation a baissé de 35,1 points de pourcentage à 51,8%.

Le trafic des compagnies aériennes en Afrique a chuté de 88,5% en septembre, après une baisse de 88,7% en août. La capacité s’est contractée de 74,7% et le coefficient d’occupation a chuté de 39,4 points de pourcentage pour s’établir à 32,6%, soit le deuxième plus bas parmi les régions.

Les compagnies aériennes du Moyen-Orient ont affiché une baisse du trafic de 90,2% en septembre, après une baisse de la demande de 92,3% en août. La capacité a chuté de 78,5% et le coefficient d’occupation a chuté de 40,9 points de pourcentage à 34,4%.

Les transporteurs nord-américains ont vu leur trafic diminuer de 91,3% en septembre, une légère amélioration par rapport à une baisse de 92,0% en août. La capacité a chuté de 78,3% et le coefficient d’occupation a chuté de 49,8 points de pourcentage à 33,4%.

Les compagnies aériennes d’Amérique latine ont fait face à une baisse de la demande de 92,2% en septembre, par rapport au même mois de l’année dernière, contre 93,4% en août par rapport à août 2019. La capacité a chuté de 87,9% et le coefficient de remplissage a chuté de 29,3 points de pourcentage à 53,3%, le plus élevé parmi les régions.

Enfin le trafic des compagnies aériennes d’Asie-Pacifique en septembre a chuté de 95,8% par rapport à l’an dernier, pratiquement inchangé par rapport à une baisse de 96,2% en août. La région a continué de souffrir de la plus forte baisse du trafic, les restrictions de vol étant restées strictes avec une faible réouverture des frontières. La capacité a chuté de 89,6% et le coefficient d’occupation a reculé de 46,8 points de pourcentage pour s’établir à 31,7%, le plus bas parmi les régions.

Déprimant : scénarios d’Eurocontrol et trafic mondial en septembre 2 Air Journal

©IATA

Sur les marchés domestiques, l’IATA met en avant l’Australie, où il a diminué de 88,7% par rapport à septembre 2019 et est resté pratiquement inchangé par rapport à août (-88,8%) « dans un contexte de mesures de confinement strictes ». Mais le trafic intérieur du Brésil a diminué de 55,3% en septembre, soit une amélioration de 11,7 points de pourcentage par rapport à août.

La semaine dernière, « nous avons fourni une analyse montrant que le secteur aérien ne peut pas réduire les coûts assez rapidement pour compenser l’effondrement de la demande de passagers provoqué par le COVID-19 et les fermetures et quarantaines des frontières gouvernementales. Quelque 4,8 millions d’emplois dans le secteur de l’aviation sont en péril, tout comme 46 millions de personnes au total dans l’économie au sens large dont les emplois sont soutenus par l’aviation », a rappelé Alexandre de Juniac. Pour « éviter cette catastrophe économique, les gouvernements doivent s’aligner sur les tests comme moyen d’ouvrir les frontières et permettre les déplacements sans quarantaine; et fournir d’autres mesures de secours pour soutenir l’industrie pendant l’hiver sombre à venir. Une reprise économique plus large n’est possible que grâce à la connectivité fournie par l’aviation », a conclu le dirigeant de l’IATA.

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@Aéroport de Maurice