Boeing a confirmé jeudi vouloir consolider la production du 787 Dreamliner à North Charleston en Caroline du Sud dès l’année prochaine, le choix d’un site unique devant permettre une amélioration de son efficacité opérationnelle tout en s’adaptant au ralentissement du marché dû à la pandémie de Covid-19. L’impact sur l’emploi n’est pas encore connu.

Le constructeur américain a confirmé le 1er octobre 2020 la rumeur qui courait depuis des semaines : les activités de production du 787 seront regroupés dans la FAL de North Charleston, à partir de la mi-2021 selon ses estimations actuelles. Le Dreamliner sera toujours produit à Everett dans l’État de Washington « jusqu’à ce que les cadences de production reprennent au rythme annoncé précédemment, à savoir six avions par mois en 2021 », précise Boeing dans un communiqué.

Cette décision, prise à la suite d’une étude de faisabilité lancée en juillet, intervient au moment où le Groupe prend des mesures stratégiques « pour préserver sa trésorerie et repositionner certaines activités » dans le contexte mondial actuel, en vue d’accroître son efficacité et d’améliorer sa performance sur le long terme. Et bien que la « polyvalente famille 787 » a surclassé d’autres gros-porteurs pendant la période difficile de ralentissement qui touche le marché, son système de production « a été ajusté pour s’adapter à un environnement commercial particulièrement compliqué », tout en préparant la production des Dreamliner à une montée en cadence lorsque le trafic aérien redémarrera.

Stan Deal, Président-Directeur Général de la division Boeing Aviation Commerciale (BCA), a déclaré hier que le 787 « doit son formidable succès actuel à l’excellence de nos employés du site d’Everett. Ils ont contribué à donner naissance à un avion qui a transformé la façon dont les compagnies aériennes et leurs passagers souhaitent voyager. Tandis que nos clients font face à une crise sanitaire mondiale sans précédent, nous avons décidé de regrouper les activités de production du 787 en Caroline du Sud pour assurer le succès à long terme du programme Dreamliner ».

Boeing avait commencé à assembler les 787-8 et 787-9 à Everett en 2007, l’usine de North Charleston devenant la deuxième FAL opérationnelle en 2010. Toutefois, seul le site de Caroline du Sud dispose des installations que requiert la construction du 787-10, le dernier et plus grand des modèles de la famille Dreamliner. Il produit aussi des sections de fuselage qui doivent être envoyées par Dreamlifter vers Everett, mais celles du -10 sont trop grandes pour l’avion cargo.

Les équipes du Puget Sound dans la région de Seattle continueront à « concentrer ses efforts sur la construction efficiente de nos familles d’avions 737, 747, 767 et 777. Les deux sites seront au cœur des initiatives prises par Boeing pour continuer d’améliorer la sécurité, la qualité et l’excellence opérationnelle », a-t-il ajouté. Mais le plus grand bâtiment du monde à Everett va se retrouver bien vide, avec un 747 à assembler tous les deux mois jusqu’en 2022, les 767F et ravitailleurs en vol KC-46A, et les 777X dont les ventes sont à l’arrêt en particulier depuis la crise sanitaire. Le site voisin de Renton accueille lui l’assemblage des monocouloirs 737.    

Boeing évalue l’impact potentiel sur l’emploi à Everett et North Charleston, et fera directement part de tout changement à ses employés. « Nous en sommes conscients, ces décisions relatives à la production peuvent avoir des conséquences sur nos coéquipiers, sur l’industrie et sur les partenaires des communautés où nous sommes implantés », a poursuivi Stan Deal. « Nous avons évalué chaque aspect du programme de façon approfondie et étudions avec nos interlocuteurs la meilleure manière de poursuivre notre collaboration. Ces efforts permettront d’affiner la production du 787, ainsi que d’améliorer la proposition de valeur de cette famille d’avions ».

L’impact immédiat est estimé dans la presse locale à environ 1000 emplois directement liés au 787 perdus à Everett, sur la ligne d’assemblage final et dans les ateliers de fabrication et de cabines, ainsi que des employés de soutien et un petit nombre chez des fournisseurs qui maintiennent des équipes pour gérer la livraison ou l’installation de systèmes tels que des trains d’atterrissage et des moteurs. Et le Seattle Times rappelle qu’après le lancement du programme Dreamliner en 2003, les sous-traitants du 787 Alenia et Vought avaient choisi la Caroline du Sud en partie pour éviter les problèmes de syndicats rencontrés dans la région de Seattle. Des problèmes de qualité avaient ensuite conduit Boeing à racheter en 2009 les installations, avant d’y construire une deuxième FAL plutôt qu’à Everett suite justement à une grève en 2008.

La réaction des syndicats n’a pas tardé après l’annonce d’hier : SPEEA a déclaré dans un communiqué que la décision était « décevante et frustrante pour les milliers d’ingénieurs, de techniciens et de pilotes » qu’il représente. Son directeur exécutif Ray Goforth a déclaré que son objectif immédiat est de « soutenir les membres qui seront licenciés. À long terme, nous nous associerons avec des parties prenantes communautaires pour attirer de nouveaux emplois dans le secteur aérospatial dans l’État en commercialisant le vivier de talents aérospatiaux dont Boeing s’éloigne ». Jon Holden, président de l’IAM District 751 (International Association of Machinists), a qualifié cette décision de « juste une autre dans une série de mauvaises décisions prises par Boeing qui ne parvient pas à tirer parti des forces de notre personnel ». Selon lui, la direction « ne peut pas supporter l’idée » que ses employés devraient avoir des droits : « nos membres ont la capacité de se lever, d’exprimer leurs préoccupations et de tenter de corriger les mauvaises décisions de gestion. Mais Boeing ne le voit que comme une concession sur son contrôle plutôt que comme l’assurance d’un produit de qualité ».

Côté politique aussi, la réaction a été rapide mais plus mesurée : si le gouverneur de l’Etat de Washington Jay Inslee « n’a pris aucune décision » à propos des 2,2 milliards de dollars d’allégements fiscaux obtenus par Boeing pour y construire le Dreamliner, il compte « examiner de près cette relation financière ». Mais il reste confiant dans le fait que le constructeur ne partira pas si d’autres allègements fiscaux sont supprimés. L’incitation fiscale 787 avait été supprimée à la demande de Boeing plus tôt cette année, dans le cadre du conflit avec Airbus devant l’OMC.

Boeing n’assemblera plus de 787 à Everett 1 Air Journal

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