Impact de la pandémie de Covid-19 ou pas, Airbus menace de poursuivre en justice les compagnies aériennes qui ne décrochent pas le téléphone pour négocier l’étalement des paiements ou des livraisons. L’avionneur voudrait d’autre part que l’Europe étudie une prime de conversion pour accélérer le remplacement des avions les plus anciens.

Alors que le mois de mai 2020 s’est terminé sur zéro commande, zéro annulation et 21 livraisons, le président exécutif d’Airbus Guillaume Faury a déjà prévenu que la survie du groupe était menacée, un plan de restructuration étant attendu ce mois-ci qui pourrait entrainer plusieurs milliers de licenciements.

Mais selon Politico, la tension monte aussi avec certains clients : même s’il se dit « sensible » au sort des compagnies aériennes, il rappelle aussi qu’elles ont « des engagements avec nous et nous avons pris des engagements avec nos fournisseurs ». Certaines non nommées ont selon le dirigeant « refusé de décrocher le téléphone » quand il les appelait au plus fort de la crise, pour négocier d’éventuels reports de paiement ou de livraisons : « elles ne voulaient pas prendre l’appel, elles ne savaient pas quoi dire ». Celles qui seraient tentées de « déchirer leur contrat » risquent donc de passer par la case justice, prévient-il.

Guillaume Faury précise toutefois que ces cas « resteront, je l’espère, une exception », Airbus essayant  « toujours » de trouver une autre solution que les poursuites judiciaires. Mais si et quand des compagnies aériennes « n’ont pas d’autre choix que de faire entièrement défaut et de ne pas proposer quelque chose de mieux que rien, ou ne sont pas disposés à le faire », alors ces poursuites en justice seront entamées. De nombreuses compagnies aériennes ayant désormais été « sauvées » en particulier via des aides d’Etat, le CEO dit cependant espérer trouver un compromis « entre ce qui leur fait mal mais ne les tue pas et ce qui nous fait mal mais ne nous tue pas ».  

Si aucune de ces compagnies n’est citée, il est difficile de ne pas penser au cas de Qatar Airways, dont le CEO Akbar Al Baker déclarait mercredi dernier qu’il avait prévenu Airbus et Boeing contre toute résistance à ses besoins. « Nous espérons » qu’ils vont accéder à nos requêtes, mais ils n’ont « pas d’alternative : s’ils rendent les choses difficiles, nous nous en souviendrons et ne ferons plus affaires avec eux ». Rappelons que la compagnie basée à l’aéroport de Doha a lancé des négociations pour reporter toutes les nouvelles livraisons jusqu’en 2023. Elle attend 40 A321neo, dix A321LR et 29 A350-1000 supplémentaires, ainsi que dix 777-8 et cinquante 777-9, et 23 787-9 supplémentaires.

Côté finances, alors qu’Airbus a suffisamment de trésorerie pour survivre et ne cherche pas d’aide d’Etat (mais a réduit d’un tiers ses cadences de production), Guillaume Faury a lancé toujours dans Politico une idée originale pour aider l’industrie et ses clients : que l’Europe affecte une partie de l’argent réservée au développement durable au remplacement des « vielles guimbardes » volantes par des avions récents, plus économes et donc plus propres, sur le modèle de la prime de conversion existante pour les voitures.

La demande étant plus faible, le besoin d’avions est donc moindre : « retirons donc les plus anciens, ceux qui brûlent beaucoup de carburant et qui émettent beaucoup de CO2, et soutenons la transition plus rapide vers de nouveaux avions par un programme de soutien – et nous pensons qu’il existe une bonne analyse de rentabilisation pour faire cela pour l’Europe », a déclaré le CEO. Affecter ainsi une partie du plan de relance européen pourrait ainsi aider Airbus et ses milliers de fournisseurs à se concentrer sur le renouvellement des flottes, les compagnies aériennes ne remettant pas en service les appareils les plus pollueurs, et dans le même temps assurer la survie de l’industrie.

Airbus : menaces et prime à la conversion 1 Air Journal

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