En proie comme les autres avionneurs aux conséquences de la pandémie de Covid-19, Mitsubishi Aircraft Corporation (MITAC) a annoncé que le programme SpaceJet verra son budget réduit de moitié cette année, même si la certification du M90 reste visée. Le développement de la deuxième version, le M100, est lui suspendu.
Les réductions de production annoncées chez Airbus, ATR ou Boeing ne sont pas les seules conséquences industrielles de la crise sanitaire. La maison-mère du constructeur japonais, ayant subi de lourdes pertes, va « réexaminer » le programme SpaceJet et lui donner pour l’année fiscale qui vient de commencer un « niveau de budget approprié » : à 60 milliards de yens (558 millions de dollars), il est donc réduit de moitié afin de tenir compte des pertes de valeur résultant de l’acquisition du CRJ de Bombardier (entre 50 et 70 milliards de yens), qui doit être finalisé le 1er juin – et sera suivi par l’abandon du programme, seul le réseau de support étant conservé justement au profit du Spacejet. Les pertes liées au programme japonais pour l’exercice clos le 31 mars ont triplé à 263,3 milliards de yens, contre 85,1 milliards de yens l’année précédente.
Mais à l’instar de Boeing qui a suspendu en aout dernier le développement du 777-8, deuxième version du 777X (le 777-9 a décollé pour la première fois en janvier), la deuxième version du SpaceJet pourrait très bien selon certains analystes ne jamais voir le jour : Mitsubishi a annoncé être « déterminé à reconsidérer le processus de l’étude de faisabilité » du M100 annoncé en juin dernier, en en suspendant la recherche et développement. Avec une cabine de 76 sièges visant spécifiquement la scope clause des contrats de pilotes américains, le M100 aurait été très compétitif par rapport aux Embraer 175, et plus ou moins à égalité avec l’E175-E2. Et il avait enregistré 405 protocoles d’accord selon Leeham News, signe d’un positionnement réussi.
La version initiale de la famille renommée SpaceJet il y a un an, le M90 (ex-MRJ90) de 90 sièges, n’est pas menacée même si ses vols de certification sont actuellement suspendus. Il aurait dû entrer en service vers le milieu de cette année chez la compagnie aérienne de lancement ANA (All Nippon Airways), déjà après plusieurs retards, mais on sait que ce ne sera pas le cas : Mitsubishi table désormais sur la fin de l’année fiscale 2021 « voire plus tard », soit au mieux au premier trimestre 2021. L’avion avait effectué son vol inaugural en novembre 2015, les équipes s’étant installées à Moses Lake dans l’Etat de Washington pour mener à bien la campagne de certification (Boeing a signé un accord portant sur le développement, le marketing et le service après-vente du monocouloir japonais).
inukshuk a commenté :
16 mai 2020 - 17 h 54 min
Cet avion accumule les problèmes et les retards. On dirait un remake de l’aéroport de Berlin.
En tous cas la famille Bombardier doit être soulagée d’avoir revendu le programme CRJ (pour que Mitsubishi le saborde au lieu de profiter de la technologie que de toute évidence ils ne maitrisent pas), au moment où ce type de module risque de souffrir de l’après-Covid…
Greg a commenté :
16 mai 2020 - 19 h 37 min
C’est intéressant cette histoire.
Le M100 est le seul appareil “nouvelle génération” remplissant réellement les conditions des scope clause américaines, appliquées aux compagnies régionales us. Ce qui explique les protocoles d’accord pour 400 commandes ( qui ne sont pas des commandes officielles en bonne et due forme à ma connaissance ).
En fait, le E175E2 est considéré comme trop lourd. Il est plus grand que le E175 classique ( longueur et envergure ), et il a de plus gros moteurs.
C’est pour ça qu’il a si peu de commandes.
Pour info, les limites scope clause sont de 76 passagers et 39t de masse maximale au décollage.
Le E175E2 peut coller en théorie en limitant sa capacité en passagers. Mais les 39t de mtow lui laissent peu de marge pour le carburant, et donc une faible autonomie.
Le problème du M90 est similaire, bien qu’il soit un petit peu plus léger.
Donc si les clauses ne changent pas, ces deux appareils ne sont pas vraiment adaptés.
Et Bombardier qui arrête les crj.
Tout cela plaçait virtuellement le M100 en situation de quasi monopole sur ce marché…
Le E175 original, ancienne génération, est toujours fabriqué et vendu, justement car lui colle aux scope clause. Mais avec une conso supérieure au M100, car sa motorisation est ancienne.
Bref je me demande si Mitsubishi ne fait pas une grosse connerie…
Mais je ne connais pas non plus tous les soucis de développement.
A suivre…
Wind Surf a commenté :
17 mai 2020 - 16 h 09 min
Quelqu’un voudrait-il expliquer ce qu’est la scope clause des contrats de pilotes américains ?
Il y a certainement des raisons à cette clause. Quelles sont-elles ?
Merci
Renaud a commenté :
17 mai 2020 - 17 h 57 min
C’est une clause imposée, dans les grandes compagnies américaines, sur les capacités des avions sur les lignes intérieures. Pour ‘justifier’ la différence de salaire entre pilotes ‘grandes lignes’ et ‘intérieur’ alors que le boulot est le même. https://en.wikipedia.org/wiki/Scope_clause
Greg a commenté :
17 mai 2020 - 20 h 59 min
Plus globalement, les scope clause servent à brider les compagnies régionales us, qui travaillent sous contrat pour les trois majors.
Ce sont ces compagnies que l’on retrouve sous les labels american eagle, united express, et delta connection.
La plus grande d’entre elles est SkyWest, que l’on retrouve sous les trois labels, et qui dispose de l’une des plus grandes flottes au monde.
Et aucun des appareils SkyWest n’est configuré pour plus de 76 places…
Pour comparer, c’est un peu comme Air-France Hop qui est limitée aux appareils de moins de 110 places.
( Avec comme différence le fait que hop est une filiale, et non une compagnie indépendante )