Le groupe Lufthansa est revenu à un trafic aérien pas vu depuis 65 ans en raison de la pandémie de Covid-19, qui devrait en outre lui coûter 1,8 milliard d’euros en remboursements pour les vols annulés. Si la retraite anticipée de huit Airbus A380 a été confirmée, Lufthansa Technik annonce avoir signé pour convertir un superjumbo en avion cargo.

« En 65 jours, le trafic a perdu ce qu’il avait gagné en 65 ans », a déclaré le président du groupe allemand Carsten Spohr le 5 mai 2020 lors d’une assemblée générale « virtuelle. Les statistiques complètes ne sont pas encore disponibles, mais le dirigeant a souligné que Lufthansa transporte « 99% de passagers en moins » par rapport à la même période l’année dernière, environ 700 des 760 avions du groupe restant cloués au sol. Mais l’absence de revenus fait perdre au groupe « un millions d’euros par heure » depuis bientôt un mois, et Carsten Spohr a rappelé les « décisions amères » prises pour sauvegarder les liquidités, dont la réduction du temps de travail pour plus de 80.000 employés ; des négociations sont en cours pour réduire encore les dépenses, notamment avec les avionneurs, les aéroports et le contrôle du trafic aérien.
À court terme, Lufthansa prévoit que la demande mondiale ne rebondira qu’à partir de 2023, le redémarrage prévu en juin devant donc se faire avec 10.000 employés et 100 avions de moins qu’avant le début de la crise.

Mais si la filiale SWISS a obtenu une aide d’état la semaine dernière, les négociations sont « au point mort » avec les gouvernements allemand pour Lufthansa, belge pour Brussels Airlines ou autrichien pour Austrian Airlines. Carsten Spohr a répété qu’il ne voulait pas que les gouvernements se mêlent des opérations : « nous avons été frappés par cette crise sans aucune faute de notre part. Nous avons donc maintenant besoin du soutien du gouvernement, mais nous n’avons pas besoin de la gestion gouvernementale », a-t-il déclaré, affirmant que « même au sein du gouvernement fédéral à Berlin, personne ne veut une gestion contrôlée par l’État ».

Les discussions avec le gouvernement allemand sur une possible aide financière, qui pourrait dépasser les 9 milliards d’euros, pourraient être conclues prochainement, un des points d’achoppement étant la prise de participation envisagée par l’Etat à hauteur de 25,1% du capital, alors que le plus gros actionnaire du groupe n’en détient que 10%.

Un autre problème n’est pas réglé, celui des remboursements des vols annulé : l’Europe n’a toujours pas annoncé de règle commune sur la proposition par les compagnies aériennes d’avoirs à la place des remboursements effectués en temps normal. Chez Lufthansa, le membre du conseil d’administration Michael Niggermann estimait hier à 1,8 milliard d’euros le coût pour le groupe des vols annulés depuis le début de la crise jusqu’à la fin mai. « Cela pourrait mettre en danger l’ensemble du secteur du voyage si nous continuons à devoir effectuer des remboursements immédiats en espèces à ce stade », a averti Carsten Spohr. « De plus, nos centres et processus clients ne sont pas conçus pour ce grand nombre de remboursements », a-t-il ajouté, demandant aux clients leur « compréhension ».

Côté flotte, le dirigeant du groupe de Star Alliance a dit mener des négociations « intenses » avec Airbus et Boeing sur le report de livraisons des 33 avions attendus d’ici 2023 (A220, A320neo, A321neo, 777-9 et 787-9), après avoir budgété 2,5 milliards d’euros par an pour ces livraisons. Il a aussi confirmé le retrait immédiat de huit des quatorze Airbus A380 de la flotte de Lufthansa, en plus des A340-600 qui sont « temporairement » cloués au sol. D’autres avions « plus anciens et moins efficients » comme les treize Boeing 747-400 devraient également sortir de la flotte plus vite que prévu.

La disparition de la demande passagers et le renforcement de celle de fret a déjà conduit Lufthansa à convertir plusieurs A330-300 pour un transport de marchandises  en cabine (ils sont surnommés Preighters par Carsten Spohr). Lufthansa Technik a confirmé hier être en train de mener 15 programmes de conversion, et avoir reçu des demandes d’information de la part de plus de 40 compagnies aériennes. Mais ce sont quelques lignes qui ont retenu l’attention : un client anonyme a signé un contrat pour transformer temporairement un A380 en avion cargo, une première dans le monde. Aucun autre détail n’a été divulgué.

Lufthansa : trafic, remboursements et A380 cargo 1 Air Journal

©Lufthansa

Lufthansa Technik expliquait le mois dernier qu’un avion ayant reçu une approbation pour le transport de passagers « ne peut pas simplement être chargé de fret en cabine », car les critères d’approbation pour les cabines de passagers et les compartiments de fret « sont complètement différents ». Par exemple, le fret a une charge au sol différente, c’est-à-dire que la capacité de charge structurelle d’un avion de passagers est inférieure à celle d’un avion cargo. Alors que pour les transports de passagers, les voies de sauvetage doivent être dégagées et l’approvisionnement en oxygène doit être assuré pour chaque individu, des mesures spéciales de protection contre les incendies doivent être prises à bord d’un cargo. Tous ces critères « et quelques autres » doivent être pris en compte et intégrés dans la documentation technique par des ingénieurs qualifiés et agréés.

Actuellement, « ce n’est pas seulement la demande de transport aérien de fournitures médicales qui augmente, mais aussi celle de biens commerciaux » : Lufthansa Technik travaille donc pour obtenir des certificats de type supplémentaires (STC) pour tous les types d’avions courants, afin que les compagnies aériennes du monde entier puissent rapidement convertir leurs avions de passagers en cargos auxiliaires. « Nous nous efforçons de disposer de la documentation technique complète et de la certification dans un court laps de temps afin que nos clients aériens puissent utiliser le STC. La conversion elle-même devrait alors être possible en quelques jours », a déclaré Henning Jochmann, directeur principal de la maintenance de la base de modification des avions chez Lufthansa Technik. Qui développe en outre des solutions pour « protéger les installations de la cabine ou pour sécuriser le chargement rapidement et facilement ».

Lufthansa : trafic, remboursements et A380 cargo 2 Air Journal

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