Le gestionnaire des aéroports parisiens ADP propose d’investir 6 milliards d’euros entre 2021 et 2025, dans un contrat de régulation économique doublé par rapport à celui actuellement en cours et financé par des augmentations annuelles des redevances. Le SCARA dénonce une « manipulation grossière » marquant un « mépris » des compagnies aériennes.
Alors que l’avenir de la privatisation d’ADP sera de nouveau en jeu la semaine prochaine avec l’adoption définitive de la loi Pacte, le groupe aéroportuaire a publié cette semaine le Dossier Public de Consultation (DPC), détaillant ses propositions dans le cadre de la préparation de son Contrat de Régulation Economique 2021-2025 (CRE4), qui sera signé l’année prochaine avec l’Etat. Le gestionnaire de Paris-CDG, Orly et Le Bourget compte investir dans leur développement 6 milliards d’euros en cinq ans, qui seront financés par « une évolution annuelle des tarifs des redevances égale à l’inflation augmentée de 1,35 point en moyenne pour la période 2021-2025 (contre inflation +1% sur la période 2016-2020) ». Le communiqué explique qu’en dépit du doublement du montant des investissements, « la trajectoire d’évolution tarifaire demeure modérée, à un niveau inférieur à la moyenne constatée pour les gestionnaires d’aérodromes comparables ».
Ce plan d’investissements quinquennal permettra d’accueillir, « dans les meilleures conditions de qualité », un trafic passagers en croissance estimée en hausse de 2,6% en moyenne sur la période 2021-2025 (dont 3,5% sur le trafic international) selon le communiqué du groupe ADP, « par l’optimisation des infrastructures existantes et la poursuite d’une politique de maintenance exigeante ». Il permettra également de reconsidérer le fonctionnement global des plates-formes franciliennes « en consacrant des moyens sans précédent » à la refonte des accès routiers, en démarrant la construction du Terminal 4 de Charles de Gaulle et en aménageant la partie Ouest d’Orly. Il consacrera « des moyens conséquents » à la digitalisation et la fluidification du parcours passagers et à l’amélioration continue de l’accueil et de la qualité de service dans les terminaux. Cette proposition prévoit des investissements « cohérents avec l’ambition de neutralité carbone des aéroports franciliens du Groupe ADP en 2030 ».
Augustin de Romanet, Président-directeur général du Groupe ADP, a déclaré : « En conciliant court, moyen et long terme, et en réussissant à programmer des investissements significatifs tout en limitant la hausse des tarifs et en permettant une juste rémunération des capitaux, la proposition de l’entreprise pour le prochain contrat de régulation économique 2021-2025 permet de tenir compte des besoins de toutes les parties prenantes. Elle témoigne de la solidité du modèle industriel et financier du Groupe ADP, pour faire face aux nombreux défis qui se présentent à lui, et de sa capacité à investir et se développer à Paris ».
Les usagers et les autres parties intéressées peuvent adresser leurs observations sur ce dossier au ministre des transports et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans un délai d’un mois à compter du 2 avril, délai susceptible d’être étendu de quinze jours par décision du ministre des transports. Le gouvernement saisira ensuite une commission pour avis consultatif sur le projet ; puis la négociation avec ADP débutera.
Pas si vite dénonce le SCARA (Syndicat des Compagnies AéRiennes Autonomes), qui regroupe 40% des compagnies aériennes françaises basées en métropole et dans les territoires ultra-marins, ainsi que des sociétés d’assistance aéroportuaire et de formation : le groupe ADP tente selon lui un « passage en force » avec un « débat de façade », et semble « refuser par tous les moyens » la concertation. Le Dossier Public de Consultation « prétend que les échanges avec les compagnies aériennes ont été «importants», «ont permis de recenser les besoins des usagers», «ont porté sur l’ensemble des problématiques» ; alors qu’il n’en est rien, de l’avis général des compagnies aériennes qui l’ont fait savoir par de nombreux courriers adressés tant à ADP qu’aux Ministères concernés, en demandant notamment l’organisation de groupes de travail par thèmes (investissements, financement, redevances, etc.) permettant des échanges approfondis ». Le DPC se fondrait donc pour le SCARA sur des « hypothèses non validées », qui conduisent de surcroît à de nouvelles augmentations tarifaires « tout aussi injustifiées, si ce n’est pour venir encore grossir les profits d’ADP déjà particulièrement élevés et en croissance permanent de près de 30% chaque année » (son chiffre d’affaires est en croissance de 4,6%, à 3,137 milliards d’euros, avec un produit des redevances aéronautiques à Paris Aéroport affichant +5,6%, à 1115 millions d’euros, et un EBITDA de 1961 millions d’euros, en hausse 25,1%).
Parmi les griefs du SCARA, on retiendra l’estimation d’ADP de la hausse du trafic aérien à 2,6% par an sur la période 2021-2025, « sans apporter aucune précision quant au mode de calcul de cette prévision ni sans en avoir discuté avec les compagnies aériennes ; sans indiquer notamment l’impact potentiel à la baisse de la fréquentation des grands hubs internationaux par les avions de nouvelle génération monocouloir à long rayon d’action ». Sur les redevances à venir, ADP « qualifie de «modération tarifaire réelle» sa proposition d’une évolution de +1,35% en plus de l’inflation, alors qu’après des années de hausses extravagantes au regard de l’inflation et des tarifs passagers, les compagnies aériennes s’attendaient légitimement à des baisses de tarifs importantes ». Entre 2006, date de l’ouverture du capital d’ADP aux capitaux privés, et 2018, les tarifs des redevances aéroportuaires d’ADP ont selon le SCARA augmenté de 42% alors que pendant le même temps l’inflation était de 15% et le prix des billets d’avion baissait de 20%.
En publiant son Document Public de Consultation, ADP veut donc « couper court à une concertation sereine avec ses clients, compagnies aériennes », conclut le SCARA. Avec un but précis : mettre en place le plus rapidement possible un Contrat de Régulation Economique avec l’Etat « qui garantira à ses investisseurs dans le cadre de sa toute prochaine privatisation une rentabilité invulnérable ». Dans un courrier adressé à ADP le 27 mars que La Tribune s’est procuré, les différentes associations de compagnies aériennes (IATA, FNAM, BAR, ou SCARA donc entre autres) mais aussi easyJet et FedEx ont dénoncé « l’approche retenue », notamment la précipitation de la publication du DPC puisque le prochain contrat de régulation économique n’entrera en vigueur qu’en avril 2021.
Pushbike a commenté :
5 avril 2019 - 23 h 00 min
Super. Encore une bonne raison de filer le trafic naturel de AF à KLM!
allons a commenté :
7 avril 2019 - 12 h 10 min
Une manœuvre de l’état pour attirer des candidats au rachat.
Biloute a commenté :
7 avril 2019 - 13 h 30 min
Donc l État va donc investir 3 milliards d euros (donc les Francais) puisque il détient 50% des parts pour offrir un cadeaux énorme aux futurs propriétaires qui n auront plus qu a empocher les dividendes énormes d une entreprise (adp) qui aura investi pour eux.
Cette vente est déjà un vrai scandale alors surveillons ce qui se trame en plus de tout cela la facture pour les Français pourraient etre tres lourde.