Airbus et les États membres de l’Union européenne (France, Allemagne, Espagne et Royaume-Uni) ont approuvé plusieurs amendements relatifs aux avances remboursables accordées aux programmes A380 et A350XWB. Une mise en conformité que l’avionneur espère voir imitée par Boeing à la fin de l’année.

Si le jugement final de l’OMC la semaine dernière avait exonéré le constructeur européen sur « 94% des plaintes déposées par Boeing », les avances remboursables perçues pour les deux programmes d’avions long-courrier avaient eux été considérées comme des subventions illégales. L’accord annoncé le 22 mai 2018 par un communiqué d’Airbus a « permis à l’Union européenne de communiquer  à l’OMC un ensemble de mesures supplémentaires de mise en conformité, en réponse au rapport de l’Organe d’appel de l’OMC publié mardi dernier. Dans son rapport, l’OMC précise que l’Union européenne et Airbus sont en totale conformité concernant la plupart des aides en question, mais estime que certaines obligations exigent encore quelques modifications mineures ». L’UE a procédé aux ajustements nécessaires. Les termes de ces amendements, tout comme les termes des contrats initiaux portant sur les avances  remboursables, demeurent confidentiels, mais ils ont été ajustés aux conditions actuelles du marché. Le directeur juridique d’Airbus John Harrison a déclaré : « La pleine conformité que nous sommes confiants d’avoir désormais atteinte dans le cas  DS316 est la claire démonstration de notre volonté de préserver un environnement commercial équitable basé sur le respect des accords commerciaux internationaux. Airbus attend de la part des États-Unis et de Boeing une attitude et des mesures tout aussi constructives dans le cas  DS353 à venir ».

Dans les détails des mesures présentées vendredi dernier à l’OMC par l’Union européenne figurent une modification du financement allemand de l’A350 par la banque de développement KfW, dont la subvention a été retirée et son bénéfice « substantiellement amorti » ; le « remboursement intégral » des montants dus au Royaume Uni toujours pour l’A350, ou le « retrait substantiel » des avantages dus aux prêts français et espagnols « du fait de l’amortissement et autres mesures ». Pour l’A380, « le bénéfice des subventions françaises, allemandes, espagnoles et britanniques au financement de l’A380 a été retiré par amortissement ou autrement, en obtenant le retrait de ces subventions », affime le camp européen.

OMC : Airbus s’amende pour les A350 et A380 1 Air JournalAirbus espère que ces gestes contenteront l’OMC, en attendant un autre jugement final plus tard cette année – concernant les accusations similaires portées contre Boeing. Le second rapport de l’Organe d’appel devrait selon l’avionneur européen comporter les points suivants

  • Entre 5 et 6 milliards de dollars US de subventions non conformes entre 1989 et 2006 – confirmé par le rapport de l’Organe d’appel de l’OMC
  • Exonérations fiscales consenties par l’État de Washington pour la période 2006-2024 : 3 milliards de dollars US
  • Extension de ces exonérations fiscales pour le 777X à hauteur de 8,7 milliards de dollars US
  • Abattements fiscaux à Wichita, dans le Kansas
  • Poursuite des subventions à l’exportation en application de la législation sur les sociétés de vente à l’étranger (« Foreign Sales Corporation »), malgré les décisions de l’OMC selon lesquelles il s’agit de subventions prohibées
  • Poursuite des programmes fédéraux de recherche financés par la NASA (considérés par l’Organe d’appel comme des subventions illégales)
  • Poursuite des subventions accordées par le Département de la Défense (également considérées comme illégales par l’Organe d’appel de l’OMC)

Au total, le montant des subventions illégales non remboursées s’élève selon Airbus « à plus de 20 milliards de dollars, causant un préjudice de plus de 100 milliards au commerce mondial. Le maintien de ces subventions continue d’entraîner des effets négatifs massifs sous forme de perte de ventes pour Airbus. L’OMC a estimé que les exonérations fiscales accordées par l’État de Washington au programme 787 avaient entraîné pour Airbus une perte de ventes à hauteur d’au moins 16 milliards de dollars. Le montant total de ces effets négatifs, ou perte de ventes affectant Airbus depuis le début de ces litiges est estimé à plus de 100 milliards de dollars. Le rapport du groupe spécial de l’OMC publié en 2017 relève chez Boeing des pratiques problématiques, dont les plus préjudiciables n’ont toujours pas été abandonnées ».

Tom Enders, CEO d’Airbus, déclarait la semaine dernière : « la situation est simple : Airbus rembourse les avances qui lui sont accordées, tandis que Boeing ne rembourse rien du tout et continue à exploiter la générosité des contribuables américains. Malgré les grandes déclarations de Boeing, il ne fait aucun doute que sa position est aujourd’hui évidemment saine : Boeing détient la moitié des parts de marché et un carnet de commandes bien rempli, et n’a donc manifestement pas souffert des prêts remboursables d’Airbus ». Et le directeur juridique John Harrison d’ajouter : « plus de 90 % des plaintes déposées par Boeing ont désormais été rejetées. Ce qui prouve le cynisme de Boeing motivé par des questions de relations publiques, à l’origine de cette affaire, et anéantit l’argument répété par l’entreprise pendant des années, affirmant que l’affaire portée devant l’OMC minait le partenariat entre l’industrie et les gouvernements européens ».

Mais Tom Enders a également exhorté toutes les parties à « accepter le caractère mondial du commerce et à mettre un terme à ce contentieux interminable et perturbateur ». La seule solution viable repose sur une négociation à l’amiable sans conditions préalables entre l’UE et les États-Unis ou, dans l’idéal, à l’échelle mondiale pour le dirigeant. « Le contexte géopolitique actuel est préoccupant pour le commerce, et les acteurs industriels doivent éviter de l’alimenter avec des litiges stériles qui portent atteinte à la libre concurrence mondiale et affectent les employés de ces industries, mais aussi nos clients et nos opérateurs. Les conséquences de ce type de différends s’étendent bien au-delà de l’industrie aérospatiale, car elles affectent la croissance économique à l’échelle mondiale ».

 

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