Il y a exactement trois ans, le 24 mars 2015, Andreas Lubitz, copilote allemand âgé de 28 ans, percutait son Airbus A320 contre les flancs d’une montagne dans les Alpes françaises, tuant les autres 149 personnes à bord. Un acte volontaire, un acte suicidaire, qui a ébranlé le monde entier.
Auteur des enquêtes de société La France Orange Mécanique (violence urbaine issue de l’immigration) et La France Big Brother (surveillance étatique), et d’Utøya (portrait du tueur norvégien d’extrême-droite Breivik), l’écrivain Laurent Obertone revient sur cette tragédie aérienne, encore difficilement compréhensive aujourd’hui, dans son livre Le Diable du ciel. Présenté comme un “roman vrai”, il raconte le déroulement du crash du vol 4U9525 de la compagnie allemande Germanwings à travers le parcours d’un enquêteur du BEA (Bureau d’Enquêtes et d’Analyses). En racontant l’enquête, il dresse également le portrait d’Andreas Lubitz : “Sur ce vol, le copilite a incarné le malin, au sens diabolique du terme“, dit Laurent Obertone.
Souffrant de forte déficience visuelle, Andreas Lubitz savait qu’il allait perdre son travail de pilote. D’une grande fragilité psychologique, il se suicidera en plein vol, entraînant avec lui les autres personnes à bord. “Rien n’est plus redoutable q’un amant répudié. Face à cette compagnie [Lufthansa, la maison mère], ce Léviathan, ce monstre froid qui ne lui laisse aucune chance, il ira droit au but… Il sait qu’il va perdre, mais il veut oublier dans la beauté du geste la fatalité de la défaite…“, tente d’expliquer Laurent Obertone dans Le Diable du ciel.
Pourquoi un “roman vrai” ? “J’ai travaillé avec des enquêteurs, j’ai en effet rencontré des secouristes et des proches des acteurs de ce drame. Les pièces les plus importantes proviennent des énormes dossiers d’enquête, que j’ai pu consulter. Ce scénario se déroule comme une sorte de tragédie minutée, qui paraît extrêmement prévisible, jusqu’à son issue fatale”, raconte Laurent Obertone dans une interview accordée à Air-journal. Et de souligner : “Bien évidemment, je n’étais pas à la place de Lubitz, ni de ses victimes. Mais rien de ce que j’écris dans ce livre ne relève de l’invention. Toutes mes informations proviennent de faits. C’était d’ailleurs le cas pour mon précédent récit criminel, Utøya. Même si je donne une dimension littéraire à ce drame, ce n’en est pas moins, avant toute chose, un travail de journaliste”.
Y-a-t-il un lien entre Breivik dans son précédent livre Utøya et Lubitz dans Le Diable du ciel, tous deux étant des tueurs de masse ? “Ce sont deux individus plutôt intelligents, forts d’une certaine réussite sociale, doués pour dissimuler, a priori « normaux », chez qui nul n’a rien décelé de particulier – si ce n’est une dépression dans le second cas. On peut interpréter leurs actes comme une volonté inconsciente de sortir du néant, et d’exister aux yeux du monde, en devenant du jour au lendemain connus du monde entier“, pense Laurent Obertone
“Il y a en revanche une divergence forte dans la façon d’élaborer l’acte, de le construire, et d’y survivre. Breivik en fait un combat idéologique, se prépare pendant des années. De plus, il tue des gens qu’il a en face de lui, ce qui implique une transgression émotionnelle bien plus forte. Et il veut survivre à l’acte, pour en profiter pleinement. Chez lui, la mégalomanie a pris le pas sur la volonté de mourir. Lubitz est plus impulsif, voulait se supprimer pour supprimer sa souffrance – il était persuadé qu’il devenait aveugle – et n’a laissé que le silence lui survivre. D’une certaine manière, ça peut intriguer davantage. Mais au bout du compte, le résultat est, hélas, comparable“, conclut-il.
Le Diable du ciel
De Laurent Obertone
Editions Ring, 18 euros
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