La compagnie aérienne Air France a réalisé mardi entre Paris et Montréal le 1er vol long-courrier avitaillé avec 16% de carburant aérien durable (SAF), produit par Total à base d’huiles de cuisson recyclées.
Le vol AF342 opéré le 18 mai 2021 par l’Airbus A350-900 F-HTYI «Saint-Malo» de la compagnie nationale française entre sa base à Paris-CDG et l’aéroport de Montréal-Pierre Elliott Trudeau était un peu particulier : parti à 15h40 du Terminal 2E, il emportait pour la première fois dans ses réservoirs du SAF produit par Total dans ses usines françaises. Le biocarburant utilisé pour ce vol est issu « de déchets et de résidus provenant de l’économie circulaire », souligne Air France dans son communiqué. Il a été produit par Total à partir d’huiles de cuisson usagées et de graisses animales grâce à sa bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) et à son usine d’Oudalle (Seine-Maritime), « sans avoir recours à aucune huile vierge d’origine végétale ». Ce premier SAF « Made in France » a été certifié ISCC-EU par l’International Sustainability & Carbon Certification, un organisme indépendant qui en garantit la durabilité. Son incorporation à hauteur de 16% sur ce vol « a permis d’éviter l’émission de 20 tonnes de CO2 ».
Ce vol concrétise l’ambition commune de quatre groupes, Air France-KLM, Total, Groupe ADP et Airbus, de décarboner le transport aérien et de développer une filière française de production de carburants aériens durables, « prérequis indispensable à la généralisation de leur utilisation dans les aéroports français ». Les biocarburants peuvent être incorporés sans qu’aucune modification ne soit apportée ni aux infrastructures logistiques de stockage et de distribution, ni aux avions, ni aux moteurs. Leur utilisation progressive à l’échelle mondiale doit permettre de diminuer de façon significative les émissions de CO2 du transport aérien, en lien avec les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies.
En développant et en soutenant ainsi cette première étape d’une filière française de carburant aérien durable, les groupes entendent « montrer la voie pour faire de la France un pays moteur de l’innovation, au service de la transition énergétique et environnementale ». La législation française prévoit aujourd’hui l’incorporation de 1% de biocarburant de ce type sur tous les vols au départ de France à partir de 2022, en amont de l’ambition d’incorporation progressive (à hauteur de 2% à horizon 2025 et de 5% à 2030) qui sera portée dans le cadre du « Green Deal » européen. Pour répondre à cette évolution de la législation, Total produira également des biocarburants aériens durables dès 2024 à partir de sa plateforme zéro pétrole de Grandpuits (Seine-et-Marne).
Ce vol illustre également selon la compagnie de l’alliance SkyTeam la complémentarité des leviers de réduction de l’empreinte environnementale : carburant aérien durable, avion de dernière génération et électrification des opérations au sol. Il a été assuré en Airbus A350, appareil consommant 25% de carburant en moins que ceux qu’il remplace. La fourniture en carburant de l’avion a été effectuée au moyen du premier camion avitailleur 100% électrique, développé en France avec l’expertise de Total, et l’ensemble des engins de piste utilisés par Air France étaient également entièrement alimentés à l’électricité.
Air France-KLM est l’un des pionniers de l’expérimentation des carburants aériens durables. KLM a effectué dès 2009 le premier vol avec du SAF. Depuis, le Groupe a multiplié les programmes innovants en réalisant notamment, entre 2014 et 2016, 78 vols Air France avec 10% de SAF en collaboration avec une filiale de Total. Cette expérimentation a permis de démontrer que l’utilisation de carburant durable n’a aucune incidence sur la fiabilité des opérations des compagnies aériennes. Le Groupe Air France-KLM entend renforcer son leadership en matière de carburant aérien durable dans les prochaines années, tout en s’associant aux recherches sur les avions du futur.
À l’occasion de ce premier vol, Benjamin Smith, Directeur Général d’Air France-KLM a déclaré : « Le Groupe Air France-KLM, est engagé de longue date dans la réduction de son empreinte environnementale. Les carburants aériens durables constituent, avec le renouvellement de notre flotte, le principal levier accessible à moyen terme pour réduire de moitié nos émissions de CO2 par passager/km d’ici à 2030. Ils sont donc au cœur de notre démarche, aux côtés de l’éco-pilotage et de la neutralité carbone de nos opérations au sol. La France a aujourd’hui l’opportunité de se positionner en tant que leader dans la production et l’utilisation de carburants durables et nous mettons tout en œuvre pour y contribuer aux côtés de nos partenaires. Faire émerger une filière française économiquement viable pour l’ensemble des acteurs est une priorité stratégique pour le pays et pour le groupe. »
Parallèlement à cette opération, Airbus mène plusieurs séries de tests afin de certifier en vol les avions de ligne avec 100% de SAF « dans les prochaines décennies ». Des stations d’avitaillement dédiées au SAF ont également été installées sur ses sites industriels, permettant ainsi à Airbus d’utiliser ce type de carburant dans ses opérations de production mais aussi lors de livraisons de ses avions. Ces installations « participent à l’ambition du groupe Airbus de décarboner l’ensemble de son activité industrielle ».
Pour Guillaume Faury, CEO d’Airbus, « les carburants durables sont un levier majeur pour atteindre nos objectifs de décarbonation du secteur aérien, et Airbus soutient toutes les initiatives qui concourent à leur développement et leur utilisation sur les vols commerciaux. Une action coordonnée de tous les acteurs est nécessaire afin d’augmenter la part de ces carburants durables qui peuvent dès aujourd’hui être utilisés à hauteur de 50% sur nos avions, sans aucune modification ou impact opérationnel, et réduisant d’autant leur empreinte environnementale ».
Je suis convaincue que les carburants d'aviation durables sont un levier essentiel de la décarbonation de l'aviation.
— Anne Rigail (@AnneRigail) May 18, 2021
Ce vol vers Montréal marque l'engagement d'#AirFrance et de ses partenaires @Total & @GroupeADP pour créer cette filière cruciale pour l'aéronautique française. pic.twitter.com/E7gl2Om44x
ALAIN HEFNER a commenté :
19 mai 2021 - 8 h 05 min
ET COMBIEN DE TONNES DE CO2 POUR TRANSPORTER LE SAF DE LA MEDE A CDG !!!!!
JE RIGOLE. LA FRANCE C’EST 1% DES EMISSIONS
Et combien de CO2 a commenté :
19 mai 2021 - 10 h 47 min
pour apporter le pétrole jusqu’au Havre, avant livraison sur CDG?
1%: et alors: ça veut dire que l’on ne fait rien? C’est toujours aux autres de s’y coller d’abord?
Greg765 a commenté :
19 mai 2021 - 10 h 27 min
C’est super. Pour moi c’est vraiment l’avenir du secteur. Il faut maintenant arriver à multiplier ces vols utilisant du SAF.
Je regrette d’ailleurs que les objectifs français soient aussi peu ambitieux. 5% en 2030, si on considère que le SAF réduit les émissions de 80% ça ne fait que 4% de baisse des émissions.
Heureusement certaines compagnies se sont déjà engagées bien au delà de ces 5% français.
Ça va demander la mise en place de toute une filière pour pouvoir baisser les coûts de production et que ça devienne compétitif.
Justin Fair a commenté :
19 mai 2021 - 11 h 41 min
” 5% en 2030, si on considère que le SAF réduit les émissions de 80% ça ne fait que 4% de baisse des émissions. ”
????
Vous pouvez expliquer, s’il vous plait.
Moi je comprends que si on incorpore 5% de SAF dans les carburant avion, on “neutralise” en carbone , 5% des émissions sans les réduire …
… Ou alors vous voulez dire que produire le SAF “coûte” à produire 20% d’émission de plus que le carburant classique…
…Ou génère en brûlant plus de CO2 que le kérosène … 20% de plus de CO2(!)
Ou…
Pour passer de 5 à 4% seulement…
greg765 a commenté :
19 mai 2021 - 15 h 28 min
Si on regarde le cycle de vie complet du carburant, il ya plusieurs étapes comme sa production, son transport, et finalement son utilisation.
Les SAF demandent des ressources pour être produits (ici de l’huile de friture usagée, mais il existe différents types de SAF, ça pourrait être par exemple des algues, des déchets agricoles, voire même directement de la captation de CO2 dans l’air (un producteur y travaille), etc…). Cette matière première doit être transformée en carburant, ce qui nécessite de l’énergie, une infrastructure, et puis ensuite il y-a la question du transport jusqu’à l’utilisateur final.
Au global sur le cycle de vie du carburant le bilan est très bon ! Les SAF permettent de réduire les émissions de CO2 de 80%* par rapport au kérosène classique. Mais ils ne réduisent pas 100% des émissions, ce serait utopique, le SAF ne se produit pas en un claquement de doigts.
En gros un avion rempli à 100%** de SAF rejetterait 80% de CO2 en moins, donc il rejetterait quand même 20% de ce qu’il générerait sans SAF. C’est bien sûr un énorme progrès par rapport à aujourd’hui, c’est significatif comme réduction, surtout que les SAF ne demandent pas de modifier les technologies actuelles sur les avions.
Donc un avion rempli à 5% de SAF ne réduit en réalité que de 4% les émissions de CO2. C’est un progrès, encore une fois c’est très bien. Mais 5% de SAF comme objectif français en 2030 ça me paraît assez dérisoire. Si on veut vraiment accélérer la transition énergétique du secteur il va falloir viser plus haut pour avoir des gains environnementaux plus forts.
* Le chiffre de 80% dépend forcément du type précis de SAF utilisé, il n’y a pas un seul type de SAF. Mais c’est le chiffre que mettent souvent en avant les producteurs. Ici par exemple BP:
https://www.bp.com/en/global/air-bp/news-and-views/views/what-is-sustainable-aviation-fuel-saf-and-why-is-it-important.html
** Le maximum de SAF accepté dans les avions actuels est 50%, mais des travaux sont en cours (Airbus il y-a peu a fait un essai sur un A350) pour pouvoir à l’avenir alimenter les avions avec 100% de SAF et se passer totalement de carburant à base de pétrole.
Justin Fair a commenté :
20 mai 2021 - 8 h 24 min
Merci pour cette réponse.
1 tonne de SAF, comme le kérosène, va rejeter 3 et quelques tonnes de CO2.
80% vont entrer dans le cycle du carbone ( recyclés et réutilisés en quelque sorte, donc n’augmenteront pas, au final, le taux de CO2 dans l’atmosphère…).
20% sont dus à la production ( rendement 80% / carburant fossile en quelque sorte), et pourront être absorbés par la Nature ( océans, etc, )
Dire simplement “que le SAF réduit les émissions de 80%”, demandait, selon moi, une explication. C’est fait.
Reste à produire du SAF de façon suffisante et économiquement rentable. D’autant plus qu’Il n’en faudrait pas que pour l’aérien qui ne représente que 3 à 4% de la production mondiale de CO2 (100% de SAF dans les avions ne réduirait l’augmentation de CO2 que de 2 à 3% ). C’est bien, mais sera rapidement insignifiant… Combien rejette de CO2 une centrale thermique du type de celles que les chinois ouvrent à la cadence d’une tous les 15 jours par exemple…
fayçalair a commenté :
19 mai 2021 - 10 h 44 min
attn GREG765
vous ne parlez pas des couts de fabrication de mise en place enfin toutes ces questions qui fachent!!!!!!!
greg765 a commenté :
19 mai 2021 - 15 h 40 min
Oui effectivement.
Aujourd’hui le SAF coûte cher. 2 à 4x plus cher que le kérosène classique. Mais comment peut-on réduire son prix ? En en produisant de grandes quantités. Économie d’échelle. Ce n’est pas une solution viable avec les prix actuels, mais plus la production va augmenter plus les prix vont devenir compétitifs avec le kérosène. La production augmente lentement mais sûrement (par exemple entre 2019 et 2020 les SAF ont vu leur utilisation augmenter de 65% malgré le COVID), et je pense que l’État devrait avoir une carte à jouer pour accélérer ce processus.
Quand je vois que certaines compagnies aériennes prévoient déjà d’utiliser 12,5% de SAF en 2030 (j’ai bien dit compagnies, donc celles qui le paient), je me dis que l’objectif du régulateur français à 5% est largement sous-côté.
D’après l’IATA l’écart de coûts commencera vraiment à se réduire quand on utilisera 2% de SAF. C’est estimé pour 2025.
https://airlines.iata.org/analysis/realizing-the-potential-of-sustainable-aviation-fuel
michael a commenté :
19 mai 2021 - 18 h 16 min
Il va falloir manger plus de moules/frites et le tour est joue. Soyons serieux, un CDG/LAX c’est en gros 100 tonnes de fuel consommees, meme a 5% de bio-fuel ca fait pas mal de fritures.
Greg765 a commenté :
19 mai 2021 - 21 h 03 min
Sauf que pour produire du SAF il y a plein d’autres techniques que d’utiliser de l’huile de friture usagée.
Certaines entreprises travaillent même sur un réacteur permettant de produire du SAF directement depuis le CO2 contenu dans l’air.
Les algues sont également une source souvent évoquée. Et produire des algues c’est relativement facile. Je sais que certains pays du golfe s’y intéressent de près. Il suffit de créer de petites piscines dans le désert, d’y pomper de l’eau de mer et les algues se développent rapidement avec la chaleur ambiante. Pour d’ex monarchies pétrolières pouvoir fournir de grandes quantités de biocarburant c’est un débouché intéressant.
Il y a aussi certains résidus industriels, notamment de l’industrie du papier.
Etc…