Une lettre ouverte signée par 14 syndicats de la compagnie aérienne Air France demande une rencontre dans les plus brefs délais avec le gouvernement, pour lui soumettre leurs propositions face à l’annonce de la suppression de plusieurs milliers d’emplois

Alors que la compagnie nationale française présentera le 3 juillet 2020 le détail des suppressions de postes à venir dans le cadre du plan Vesta de restructuration, une intersyndicale a envoyé lundi une lettre ouverte adressée au ministre de l’Economie Bruno Le Maire et au secrétaire d’Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebarri, et signé par FO, UNSA Aérien, CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et Sud-Aérien au nom du personnel au sol, par SNGAF, UNPNC, SNPNC, UNAC et UNSA-PNC pour les hôtesses de l’air et stewards, et par SPAF et Alter pour les pilotes (le SNPL majoritaire chez ces derniers n’est pas signataire). Leur objectif : participer aux négociations, en particulier sur l’avenir de la filiale régionale HOP dans le cadre de la réduction du réseau intérieur français (de l’ordre de 40% avec plan de départs volontaires à l’appui), et de la réduction structurelle de la capacité du groupe devant atteindre au moins 20% à la fin 2021 par rapport au niveau d’avant la crise.

« Nous voulons vous faire part de nos inquiétudes concernant les conséquences de la crise sanitaire que vient de traverser notre pays. Au-delà de ces craintes nous souhaitons partager avec vous les solutions qui nous semblent les plus pertinentes pour préserver notre outil industriel et ses emplois à court et long terme », écrivent les syndicats. « Tout d’abord, en ces temps de forte contraction de la demande, toute démarche visant à préserver au mieux notre tissu économique et social dans le pays ne pourra qu’améliorer ses chances de rebond ». Mais si l’aide d’Etat de 7 milliards d’euros a permis de « parer au plus urgent », ils sont inquiets sur les conditions environnementales qui y sont attachées et pourraient avoir des conditions désastreuses pour l’emploi sans toucher les rivales, sur les ventes à pertes de billets d’avion ou la présence continue dans les aéroports français de compagnies étrangères « subventionnées ».

https://www.facebook.com/cgt.airfrance/posts/3316678495030173

« Concernant le prêt d’actionnaire que vous nous avez octroyé, il nous apparait déterminant que celui-ci puisse être au service de la stabilité de notre structure financière et non à son détriment par des contreparties bien trop contraignantes. Il offre aussi à l’État actionnaire et aux contribuables la possibilité d’un retour sur investissement, en plus de la réappropriation d’un outil stratégique pour notre pays. Il nous apparaît tout aussi déterminant qu’il ne puisse être invoqué à l’appui d’une destruction massive d’emplois. Les salariés d’Air France ont connu dans un passé récent de nombreuses transformations de leur contrat social. À intervalle régulier, depuis la crise financière de 2008, le corps social s’est trouvé malmené. Le groupe Air France a supprimé environ 15.000 postes dans cet intervalle. Comme la délocalisation de nombreuses industries de notre pays vers d’autres contrées, l’activité du secteur aérien, et ses emplois, se sont trouvés cannibalisés par des compagnies utilisant le dumping fiscal et social quand elles ne jouissent pas directement de subventions. De nombreux rapports parlementaires l’ont signalé en leur temps. Ces nombreuses distorsions continueront et nous placeront, à court ou moyen terme, dans les mêmes difficultés ».

« En outre, dans certains pays membres de l’Union Européenne (l’Autriche a été la première à évoquer le sujet NDLR), il n’est plus possible pour un opérateur agissant dans ces pays de vendre des billets avec des tarifs qui ne couvriraient pas ses différents coûts. Nous souhaitons voir cette mesure appliquée sur notre territoire. Dans la continuité de mesures pouvant protéger notre offre, nous souhaitons que les compagnies opérant des lignes domestiques sur notre territoire se voient obligées, comme dans notre cas, de fournir un effort écologique au moins égal au notre. À défaut, le gouvernement, via la COHOR, doit pouvoir mettre en œuvre des mesures de rétorsions visant l’annulation de créneaux accordés aux compagnies concernées sur les aéroports français ».

« Enfin, il nous semble opportun de retirer des créneaux à certaines compagnies longs courriers jouissant en permanence de subventions déguisées leur permettant de maintenir artificiellement leur modèle économique ».

« Vous l’aurez compris, Messieurs les Ministres, nous pensons qu’il est urgent que l’État réinvestisse pleinement et fermement son rôle de régulateur du Transport aérien français. De notre point de vue, ces mesures et d’autres encore mais que nous n’avons pas évoquées ici, sont de nature à offrir un avenir plus certain à notre entreprise, à notre activité et à nos emplois. La crise sanitaire nous a rappelé l’importance de l’indépendance économique. Notre compagnie a souvent démontré, être un outil de souveraineté précieux, particulièrement ces derniers mois par le rôle majeur qu’elle a immédiatement assuré dans le cadre de la crise du COVID-19 pour rapatrier les ressortissants Français et acheminer rapidement des quatre coins de la planète du matériel médical ».

« Le Président de la République, dans son allocution du 14 juin aux français, s’est dit décidé à renouer avec cette ambition française d’indépendance. Nous sommes prêts à faire des propositions dans ce sens. C’est dans l’espoir d’avoir la possibilité de construire ce projet que nous vous sollicitons pour une rencontre dans les délais les plus brefs et dans la mesure de vos possibilités ».

Interrogé sur les rumeurs évoquant 8000 à 10.000 suppressions d’emplois chez Air France, Jean-Baptiste Djebbari a expliqué hier sur les chaines parlementaires qu’il ne pouvait rien confirmer : « Ce que je constate, c’est que si l’Etat n’avait pas prêté à Air France 7 milliards d’euros, ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui seraient aujourd’hui en danger », a-t-il déclaré. « La chose la plus rationnelle à faire, c’est ce que nous avons fait : c’était de sauver Air France-KLM, c’est de regarder en transparence et en lucidité ce qui va advenir du transport aérien et qu’Air France s’ajuste », a-t-il déclaré, avant de rappeler une évidence : personne ne sait « quel sera l’état du transport aérien dans six mois, dans un an, dans 18 mois »…

Emploi Air France: les autres syndicats veulent être entendus 1 Air Journal

©HOP Air France