Voilà un an et demi qu’Air France a présenté aux agences de voyage et tour-opérateurs son nouveau système de réservation NDC (New Distribution Capability), destiné à remplacer à terme les GDS (Global Distribution Systems).
Selon Air France, le NDC offre aux voyagiste un panel de réservation bien plus complet, incluant les produits ancillaires (bagage supplémentaire, réservation de siège, repas spécial, etc.). Surtout, comme l’affirment ses détracteurs, le NDC permettrait, à terme, à la compagnie aérienne de se passer des coûteux GDS et tout autre intermédiation. British Airways et Lufthansa ont, elles-aussi, adopté un système NDC similaire.
Pour pousser les professionnels du voyage à adopter le NDC, Air France applique une surcharge de 12 euros par aller simple pour tout billet émis via un classique GDS (24 euros donc l’aller-retour). En clair, les voyagistes sont tenus de faire les réservations via le NDC s’ils veulent éviter cette surcharge qui alourdit le prix du billet vendu au client final et entame leur compétitivité.
Cependant, le développement d’une interface API (Application Programming Interface) permettant aux voyagistes d’accéder à l’offre NDC prend du retard. Selon des voyagistes qui l’ont expérimentée, l’offre NDC est, pour l’heure, incomplète et moins performante que tout système de réservation classique GDS. L’interface que propose Air France permet le « shopping » (recherche de siège), le « booking » (réservation) et l’émission du billet… Mais contrairement à un classique GDS, les remboursements partiels dits « complexes » (rembourser un passager sur un groupe de dix ou rembourser un vol non effectué sur un billet multidestination), les interlignes, les trajets complexes ne sont pas encore disponibles. Seule l’annulation ou la modification avant l’émission du billet est possible. Une fois le billet émis, l’agent de voyage doit appeler au téléphone de Helpdesk de la compagnie qui n’est pas disponible 24H/24.
Enfin, avec l’avènement du NDC, Air France deviendra « propriétaire » du dossier généré par l’agence de voyages dont le fichier client constitue pourtant le fonds de commerce. Niveau technique, l’outil ne fournit aucun fichier ou flux permettant de faire des traitements comptables (certification niveau 4); également, il n’y aucune garantie sur le fait qu’il tienne la charge (certification niveau 5 scalabilité) en cas de forte demande.
Tentative de contrôle de la distribution ?
En attendant la mise en place d’une API finale dans le courant de l’année prochaine, Air France propose aux distributeurs un offre dite « private channel », une offre sur GDS qui les exonère de la surcharge de 12 euros par aller simple. C’est « pour faciliter la transition » vers le nouveau système NDC, explique Air France. Mais tous les distributeurs ne se sont pas vus proposer l’accès au « private channel ». La compagnie aérienne semble trier sur le volet ceux qui y ont droit et ceux qui n’y ont pas droit, et menacer ceux qui y ont droit d’en être exclu à tout moment. Pour exemple, le voyagiste Viaticum, qui exploite le site Bourse des vols, vient d’être privé de son accès au « private channel ». Il est prié d’utiliser un GDS classique avec la surcharge, ce qui le rend moins compétitif face à la concurrence, ou d’adopter dès maintenant le NDC.
Viaticum est membre du GIE Manor (regroupement des agences de voyages d’affaires), qui regroupe plus de 320 agences de voyages dans toute la France. Alors que toutes les autres voyagistes du GIE Manor profitent toujours de l’offre « private channel », Viaticum est le seul à en être privé. Par ailleurs, s’il est vrai que l’OTA de Viaticum, Bourse Des Vols, vend des billets d’avions orientés vers le loisir, TUI France, numéro un mondial du marché loisir, bénéficie pour autant de l’accès au « private channel » jusqu’en 2020. Par ailleurs, des OTA comme Perfect Stay (qui vend principalement des vols Air France) auraient été dispensées de tout effort d’intégration du NDC pour le moment. Contacté au téléphone, Fabrice Dariot, patron de Viaticum, nous déclare : « Je ne ferai aucune déclaration de nature à froisser Air France. Nous sommes dans un état de droit, une administration compétente est à même de déterminer si nous sommes injustement discriminés, et si la libre concurrence en est affectée, sur notre secteur, par le traitement qu’on nous réserve spécifiquement ».
La question est légitime : Air France, opérateur historiquement dominant, fait-elle de la discrimination commerciale à l’encontre de certains distributeurs ? Réponse de la compagnie aérienne : « l’accès au « private channel » était conditionné au respect d’un certain nombre d’engagements pris par l’agence de voyage afin de se doter des moyens et de commencer à travailler via le NDC. Viaticum n’a pas respecté ses engagements et, à l’instar des autres agences dans la même situation, l’accès lui a été retiré ».
Egalement, Air France explique que les OTA françaises ont eu « une période de grâce de quinze mois » avec l’offre « private channel » et qu’il est temps maintenant d’adopter le NDC. La compagnie aérienne précise que les réservations de repas, siège, franchise bagage, et les tarifs abonnement, multiconnexion, etc. viennent d’être ajoutés à la base de données. Des agrégateurs proposent déjà l’offre NDC en flux BtoB à des OTA, souligne-t-elle, preuve que son nouveau système de réservation est « une solution viable ».
Vieux Charles a commenté :
5 juillet 2019 - 11 h 13 min
Cette situation est-elle un héritage du monopole aérien dont Air France a longtemps bénéficié? De vieux réflexes… toujours en place?
Sam a commenté :
5 juillet 2019 - 23 h 21 min
AF, comme IAG essaie d’échapper Aux GDS ( amadeus, sabre). Quel rapport avec le soit disant monopole qui n’a jamais vraiment existé ?
Vieux Charles a commenté :
6 juillet 2019 - 7 h 57 min
Un réflexe protectionniste d’une compagnie jadis monopolistique?
Matthieu a commenté :
17 janvier 2020 - 15 h 54 min
“API finale dans le courant de l’année prochaine” > est-ce bien mis en place ?