La pratique de la compagnie aérienne Air France d’annuler le vol retour d’un passager ne s’étant pas présenté au vol aller (le no show) devra être rejugée à Aulnay-sous-Bois, le tribunal d’instance de Toulouse s’étant déclaré incompétent.

Après une première condamnation à Auch en mai 2017, Air France comparaissait depuis février devant le Tribunal d’instance de Toulouse, poursuivie par sept personnes qui réclament le remboursement des billets ainsi que des dommages et intérêts. L’objet du litige est le même : la pratique consistant à annuler le billet retour en cas de non utilisation du billet aller, dans le cas notamment du passager qui rate son avion à l’aller et qui se présente sur son vol retour. Cette annulation annoncée seulement au comptoir d’enregistrement oblige le passager à racheter un billet au prix fort, comme c’est souvent le cas quand l’achat est pour un vol le jour même, soulignait la partie civile.

Mais le 14 mai 2019, le tribunal d’instance de Toulouse s’est déclaré mardi « incompétent territorialement », jugeant que l’affaire portant sur des vols au départ de l’aéroport Blagnac doit être traitée à Aulnay-sous-Bois, tribunal rattaché au siège social d’Air France. L’avocate des plaignants Stella Bisseuil a déclaré regretter « cette décision pour les passagers qui doivent encore attendre que justice soit rendue. Sur le fond du dossier, « ce n’est que partie remise mais sur la forme, c’est une mauvaise nouvelle » selon l’avocate interrogée par France Info : « l’inconvénient, c’est que le tribunal d’Aulnay a deux ans de retard dans le traitement des dossiers. Les juridictions sont sinistrées, on va devoir encore attendre et ça fait le jeu des plus forts contre les plus faibles ». Air France « aime beaucoup jouer sur les encombrements et la lenteur de la justice pour décourager les justiciables », affirme-t-elle.

La pratique d’Air France est contraire aux conditions générales de transport et donc illégale, avait plaidé Stella Bisseuil, qui avait elle-même subi la pratique sur un vol Toulouse-Paris en 2015 et plaidait l’action de groupe. Ces conditions générales stipulent selon elle que « le passager, qui ne s’est pas présenté au vol aller de son voyage, peut juste écoper de frais de 75 euros pour la réémission du billet retour » – et ne mentionnent pas d’annulation de billet. L’avocate demandait donc au tribunal de « condamner la Compagnie Air France non seulement au remboursement du billet que les passagers ont du indûment racheter, mais également au paiement de dommages et intérêts ». L’avocat d’Air France Fabrice Pradon avait de son côté rejeté toute pratique abusive, et demandé au tribunal de débouter l’ensemble des plaignants, au motif que leurs requêtes « n’apportent pas la preuve que ces voyageurs se sont bel et bien présentés à l’aéroport lors du vol aller avant de rater leur avion ». Il rappelait que les conditions générales de vente sont censées être lues par les acheteurs lors de la réservation de leur billet sur internet ; « les prix des vols pour le retour varient en fonction des jours et des réservations », ajoutait-il.

Ce mercredi matin, les conditions générales de transport d’Air France affichent les règles suivantes au chapitre 3.4 :

(a) Le Tarif TTC fixé en fonction des données, dates de vols et parcours mentionnés sur le Billet correspond à un point de départ et à un point de destination, via toute Escale intermédiaire prévue lors de l’achat du Billet et fait partie intégrante du Contrat de Transport. Le Tarif appliqué à la date d’émission du Billet n’est valable que pour un Billet utilisé intégralement en respectant l’ordre et les dates du parcours réservé (ordre séquentiel des Coupons de Vol).

(b) Toute utilisation non conforme par le Passager (par exemple,  si celui-ci n’utilise pas le premier Coupon ou en cas de non utilisation des Coupons dans leur ordre d’émission) constatée le jour du voyage entraînera le paiement d’un supplément tarifaire forfaitaire à l’aéroport s’élevant à : 125 € pour les vols court-courriers (France métropolitaine et Corse), 250 € pour un vol moyen-courrier Economy, 500 € pour un vol moyen-courrier Business, 500 € pour un vol long-courrier Economy/Premium Economy, 1500 € pour un vol long-courrier Business et 3 000 € pour un vol long-courrier La Première (ou l’équivalent en monnaie locale).

On rappellera que la Cour de Cassation avait également en mai 2017 jugé légale la clause des conditions générales permettant à Air France de modifier le prix d’un billet comportant plusieurs coupons de vol si le passager n’utilise pas l’un d’entre eux. Ce jugement rappelait l’obligation du voyageur de « respecter un contrat de transport dont les contreparties respectives ont été pesées, une politique tarifaire particulière s’appliquant sous condition de l’utilisation dans un certain ordre des coupons de vol ».

Plusieurs associations européennes de consommateurs, réunies au sein du Bureau européen des consommateurs (BEUC), ont engagé des actions pour dénoncer la pratique du “no show” des compagnies aériennes du continent. Pour Fabrice Dariot, patron de l’agence internet Bourses-des-vols.com, « la pratique d’aller simple plus onéreux que l’aller retour repose sur une analyse cynique : la personne qui prend un aller simple est souvent dans une situation d’urgence ou de détresse et n’a pas eu le temps de réaliser le paradoxe tarifaire auquel elle est soumise par la compagnie aérienne ».

No show : le procès Air France reprendra à Aulnay 1 Air Journal