Après un aller-retour entre l’Assemblée et le Sénat, le texte de la loi PACTE, qui prévoit entre autres la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP), passera en deuxième lecture dans l’hémisphère la semaine prochaine.

En première lecture, en octobre dernier, l’Assemblée nationale avait déjà autorisé la privatisation du groupe aéroportuaire, au grand dam de l’opposition qui avait dénoncé une “atteinte au patrimoine national“. Le Sénat s’y est cependant opposé début février au terme d’un débat houleux en invoquant des arguments économiques autant que des questions de souveraineté ou de sécurité. Mais le gouvernement maintient le projet de la privatisation d’ADP, l’Assemblée lui étant acquise avec une majorité gouvernementale de députés La République en Marche. De nombreuses voix, de l’opposition -de la droite Les Républicains à l’extrême-gauche La France Insoumise- aux professionnels de l’aérien, s’opposent fermement à cette privatisation.

ADP, l’un des principaux groupes aéroportuaires mondiaux, bénéficie d’un droit d’exploitation exclusif et sans limitation de durée des aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-le-Bourget ainsi que de dix aérodromes en Île-de-France. Le projet de loi “Pacte” pour la croissance des entreprises prévoit la suppression de l’obligation pour l’État de détenir la majorité du capital d’ADP (50,6% ), ouvrant ainsi la voie à sa privatisation. La durée d’exploitation concédée sera limitée à 70 ans. Parmi les candidats les plus sérieux au rachat des parts de l’Etat figure le groupe Vinci (Vinci Autoroutes, Vinci Concessions, Vinci Airports, etc.), déjà bien implanté dans le secteur aéroportuaire et actionnaire à 8% d’ADP.

Nous avons l’occasion de faire d’ADP un leader mondial tout en désendettant l’État et en finançant les innovations futures. Saisissons cette opportunité“, a plaidé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Son ministère souligne que l’argent de la cession des 50,6% des parts de l’Etat servira à financer des projets innovants dans les nouvelles technologies. Trois solutions sont encore à l’étude : une vente à un seul acteur, une vente à des acteurs diversifiés ou une vente d’une partie seulement des actions de l’État.

En face, le député Les Républicains Arnaud Viala a dénoncé la vente de “bijoux de famille” et son collègue socialiste Boris Vallaud “un énorme gâchis“. Et pour contrebalancer le futur actionnaire privé dans l’hypothèse d’une privatisation, le président Les Républicains des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, souhaite l’entrée des sept départements d’Ile-de-France au capital d’ADP pour avoir un droit de veto.

Après le scandale de la privatisation des autoroutes qui a abouti à des hausses de tarifs pour les usagers et à des rentes de situation exorbitantes pour les concessionnaires, le gouvernement décide de remettre ça. Avec la loi PACTE il s’apprête à se séparer d’Aéroports de Paris, d’Engie et de la Française des jeux, qui lui rapportent pourtant quelques 800 millions d’euros par an“, dénoncent l’essayiste Coralie Delaume et l’économiste David Cayla, à l’origine d’une pétition contre la privatisation d’ADP.

Les professionnels du voyage expriment la même crainte : “Les monopoles privés sont encore pire que les monopoles publics. Un équipement unique ne saurait être privé attendu que la concurrence ne joue pas. Voyez les autoroutes… en l’absence de concurrence, les sociétés qui les exploitent se gobergent. Oui à la concurrence saine et ouverte, non à la rente qu’on concède aux petits copains quand on est au pouvoir pour avoir l’occasion d’y pantoufler en cas de revers électoral“, estime Fabrice Dariot, fondateur de l’agence en ligne Bourse-des-vols.com. “On ne privatise pas un monopole ou alors on soviétise l’économie. Aucun contrat de régulation n’empêchera le propriétaire privé d’augmenter ses prix et ses marges !” met en garde Jean-François Rial, patron de l’agence Voyageurs du Monde.

Privatisation d’ADP : politiques et professionnels du voyage s'y opposent 1 Air Journal