La direction de la compagnie aérienne Air France n’a pas annoncé hier la moindre avancée sur les salaires en attendant la nomination du nouveau PDG du groupe, qui pourrait être annoncée dès le début juillet. L’intersyndicale dénonce des « mesurettes » sans rapport avec ses revendications, et maintient son préavis de grève du 23 au 26 juin.

Anne-Marie Couderc, Présidente non-exécutive d’Air France et d’Air France-KLM, et Franck Terner, Directeur général de la compagnie nationale française, ont présenté le 14 juin 2018 au Comité Central d’Entreprise d’Air France « des mesures concrètes, approuvées par le Conseil d’Administration, afin de répondre à l’expression des salariés lors de la consultation ». Ces mesures seront mises en œuvre sans délai et s’articulent autour de deux volets : des mesures immédiates « pour améliorer le quotidien des salariés », via le déblocage d’un budget exceptionnel dès cet été. La direction explique dans un communiqué qu’elle « souhaite agir vite pour apporter des solutions concrètes à des problèmes qui impactent le quotidien des équipes, pour leur permettre d’assurer dans les meilleures conditions possibles leur mission auprès des clients ». Parmi les premières mesures mises en œuvre figurent, à titre d’exemple, la rénovation des locaux de piste à l’aéroport de Paris-Orly ou encore l’augmentation de la disponibilité des chambres de repos dans les locaux d’Air France pour les navigants. Deuxième volet mis en avant par la direction, « une grande démarche d’expression des salariés et de dialogue, pour apporter des réponses de fond aux attentes exprimées ». Cette démarche associera tous les salariés, qui « pourront exprimer leurs insatisfactions mais aussi leurs convictions et propositions sur tous les sujets liés au fonctionnement de l’entreprise ». Le pilotage de ce dispositif associera le management, les représentants des salariés, des salariés volontaires « mais aussi des personnalités externes faisant référence ». La mise en place de la plateforme numérique nécessaire est prévue pour septembre.

Le Conseil d’administration d’Air France-KLM a par ailleurs confirmé qu’il n’y avait pas de mandat pour une nouvelle négociation salariale dans les circonstances présentes et dans l’attente de la mise en place d’une nouvelle gouvernance. Sans surprise, la direction d’Air France appelle l’intersyndicale à lever le préavis de grève du 23 au 26 juin « qui aggraverait la situation de l’entreprise et impacterait lourdement nos clients à la veille de la période estivale ». Tout mouvement social affecterait les résultats du troisième trimestre d’ordinaire très rentable, en plus des 300 à 350 millions d’euros perdus pendant les 15 jours de grève menés depuis février.

Dans un entretien accordé aux Echos, Anne-Marie Couderc avait justifié par avance les mesures annoncées hier, expliquant que les rencontres bilatérales avec les syndicats lui ont « donné le sentiment que ce malaise actuel tient tant à des problèmes de fond qu’à une multitude de problèmes du quotidien. Toutes les organisations syndicales ont évoqué ces sujets dont l’accumulation a contribué à la situation de mal-être que nous connaissons actuellement ». La dirigeante par intérim du groupe a déploré le préavis de grève déposé dès la fin de ces rencontres, constatant que « pour certains d’entre eux, il n’y a qu’une seule stratégie : celle de l’épreuve de force permanente ». Et si la poursuite des négociations salariales est renvoyée à la future direction, la nomination du prochain PDG d’Air France-KLM pourrait intervenir plus rapidement que prévu : « l’objectif du comité de nomination que je préside est de pouvoir proposer des options au conseil d’administration dès début juillet. Dans l’idéal, je souhaiterais que  le choix du candidat soit fait avant le 15 juillet. Mais nous prendrons le temps nécessaire pour choisir le meilleur dirigeant pour Air France-KLM ». Mme Couderc se dit d’ailleurs « rassurée » par l’attrait du groupe aérien pour « de très nombreux candidats et de grande qualité » ; un « certain nombre » a été sélectionné, « et nous avons déjà commencé à les rencontrer ». Et elle souhaite pour Air France-KLM une « gouvernance pérenne » à l’automne, qui puisse « récolter le fruit des discussions à l’issue des Assises du transport aérien ».

Grève Air France : l’intersyndicale n’obtient que des mesurettes 1 Air Journal

©SNPNC

Dès mardi dernier et malgré des rencontres bilatérales, l’intersyndicale disait ne pas croire aux promesses de « mesures et actions concrètes » annoncées pour le CCE d’hier par Anne-Marie Couderc. Les dix syndicats ont réagi jeudi avec des déclarations résumée par la CGT : « sidération et consternation ». Le SNPNC dit n’avoir « même pas envie de commenter ces «mesures concrètes et immédiates – un coup de peinture à Orly, des ‘actions coup de poing pour les cabines’ (???), de nouvelles imprimantes » ; en revanche, le syndicat a retenu l’annonce de Mme Couderc d’une nomination imminente du nouveau PDG, « en s’engageant à aller chercher un réel mandat en juillet si la date devait être reculée. Nous prenons au pied de la lettre cet engagement car il est clair que nous n’accepterons pas une stratégie de la diversion qui consisterait à jouer la montre ». Pour l’UNSA Aérien DGSI, « le gâchis était au rendez-vous » et les négociations et les discussions sont « totalement au point mort, et l’État a surement pesé dans le choix de cette politique autoritaire ». Sud-Aérien dénonce « une véritable provocation », tandis que Philippe Evain du SNPL fustige dans Libération des administrateurs « irresponsables » qui « soufflent sur les braises ». Et même le Collectif Tous Air France partage « les interrogations de tous sur la véritable volonté de la Direction et des syndicats d’éviter ce conflit », tout en réitérant son refus de « rentrer dans cette logique de défiance frontale ».

L’intersyndicale, regroupant trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF, Alter), deux syndicats d’hôtesses de l’air et stewards (SNPNC et UNSA-PNC) et cinq de personnel au sol (CGT​, FO, SUD, CFTC et SNGAF) représentant au total 52,6% des voix du personnel, plus l’UNAC, se réunira pour décider de la suite des évènements lundi 18 juin, cinq jours avant le début de sa grève dont le préavis reste en place. Rappelons qu’elle réclame une augmentation générale des salaires de 5,1% dès 2018 (plus 4,7% supplémentaires pour les pilotes), avec +3,8% au 1er avril (rattrapage d’inflation 2012-2017) et +1,3% en octobre (inflation prévisionnelle de 2018).

En face, Air France avait revu à la hausse l’augmentation de 1% qui n’avait été signée que par deux syndicats (CFDT et CFE-CGT représentant 31,3% des voix du personnel) : sa proposition d’accord portait sur une augmentation générale de 2% en 2018, assortie d’un seuil minimum de 25 euros par mois, et une autre de 5% pour 2019, 2020 et 2021 (1,65% par an), assortie d’un seuil minimum de 40 euros par mois. Les salaires seraient selon la direction augmentés de 12,5% en moyenne sur la période (comprenant une augmentation générale de 7% pour toutes les catégories de personnel et les augmentations individuelles/GVT) ; mais ce « pacte de croissance » prévoyait d’adapter l’augmentation dans le cas où le résultat d’exploitation d’Air France serait inférieur à 200 millions d’euros, et d’appliquer une clause de revoyure en cas d’inflation plus élevée ou de résultat négatif. Le rejet par 55% de l’ensemble du personnel de ces propositions avait entrainé la démission du PDG d’Air France-KLM Jean-Marc Janaillac.