Les Assises du Transport aérien français se tiendront du 20 mars à la fin septembre, avec la promesse d’évoquer la performance économique, la performance environnementale, la performance au service des territoires, la performance sociale, et la performance de l’innovation au service du passager.

Dans un long entretien accordé à La Tribune, la ministre des Transports Elizabeth Borne a précisé la date de départ de ses Assises attendues par les compagnies aériennes françaises, qui « ne captent que 10% de la croissance » d’un secteur représentant 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 100.000 emplois hors construction aéronautique. Chaque sujet de performance aura droit à son groupe de travail, et un site internet sera ouvert au public « pour que les citoyens puissent aussi contribuer à la réflexion ».

Sur les charges sociales pesant sur le pavillon français, la ministre souligne que les règles « renvoient à des prestations rendues qui ne sont pas les mêmes qu’ailleurs », et précise qu’elle ne compte pas « renverser la table » tout en restant ouverte « à ce que nous reprenions la question avec l’ensemble des acteurs et que nous l’examinions ». La question de la compétitivité ne sera pas approchée « avec une enveloppe globale » mais par « une vraie réflexion collective et globale » sur les mesures nécessaires, tandis que les coûts de sûreté qui devraient doubler d’ici 2020 (et sont supportés presqu’entièrement par les compagnies aériennes) doivent être étudiés en tenant compte « des enjeux de péréquation, puisque les grands aéroports financent aujourd’hui la sûreté des petits, qui n’ont pas assez de trafic pour payer les coûts de sûreté ».

Sur le dialogue social en particulier chez Air France, et le rôle de l’Etat, Elizabeth Borne estime que « la compétitivité est liée à l’environnement réglementaire et législatif, mais il y a aussi les enjeux de compétitivité qui relèvent des compagnies. Le jeu se fait forcément à deux » ; mais elle reconnait que par le passé « les uns et les autres n’ont pas fait tout le chemin nécessaire ». Elle appelle aussi tous « à la responsabilité » sur la question des augmentations de salaires demandées par les syndicats (6% en moyenne) pour ne pas « casser la dynamique » de la compagnie nationale « repartie dans une phase de croissance » dans un marché qui n’est pas « protégé, dans lequel chacun pourrait se désintéresser de la compétitivité de ses concurrents ». Aucune sortie du capital d’Air France-KLM (14,2%) n’est en revanche envisagée, contrairement à ADP (50,2%) où la ministre souligne qu’il est important de « garantir une régulation forte sur les plateformes de la région capitale » comme moyen de contrôle en cas de privatisation. Le groupe de travail sur la performance sociale aura aussi pour enjeu de « développer l’attractivité des métiers », au vu des tensions sur le recrutement dans le transport aérien, mais aussi de préparer la négociation d’une « future convention de branche ».

Sur la connectivité des territoires, Elizabeth Borne affirme qu’elle n’a pas vu « beaucoup de compagnies low cost venir desservir Brive, Aurillac, ou Quimper » ; mais si le pavillon français « a capté 10% de la croissance du trafic aérien, en région, c’est seulement 3% », alors que ces liaisons aériennes sont nécessaires pour assurer « le développement de ces villes, le maintien de l’emploi, des entreprises ». Elle plaide pour un renfort des budgets sur les liaisons d’aménagement du territoire : « il faut maintenir ces liaisons sous OSP. Quand on voit qu’avec quelques millions d’euros par an, on peut assurer la connectivité de ces villes, je pense que cela vaut la peine » d’y consacrer des moyens – y compris chez Air France pour améliorer la fiabilité chez HOP!. La concurrence entre aéroports régionaux fera aussi l’objet d’un débat, les régions étant selon la ministre « en train de réfléchir à un schéma » ; elle souhaite un « bon maillage aéroportuaire » en évitant une multiplication de plateformes qui se font concurrence. Mais elle n’est pas « dans la dynamique » d’une fermeture de certains aéroports.

Sur les droits de trafic des compagnies du Golfe, la ministre renvoie la responsabilité à l’Europe, dont la position consiste à « défendre nos compagnies et notre connectivité directe, notamment avec l’Asie ». Seul le Qatar a accepté à se jour de s’asseoir à la table des négociations sur des « règles de concurrence loyale », explique-t-elle. Le principal problème environnemental sera de structurer une filière de biocarburants durables, avec « une augmentation des budgets », mais aussi de gérer les nuisances sonores « là où il reste une insatisfaction ». En revanche le sujet du plafonnement des vols à Orly avec l’arrivée des monocouloirs remotorisés réputés plus silencieux « n’est pas d’actualité et ne sera pas abordé », afin de ne « pas recréer de la frustration ».

Enfin sur l’innovation au service des passagers, l’enjeu des Assises sera sur l’ouverture et le partage des données « notamment pour le passage aux frontières », où il faut « augmenter la fluidité » sans pour autant renoncer à la sécurité, explique Elizabeth Borne. Les systèmes Paraphe à reconnaissance faciale, et « la mobilisation de tous et le bon travail engagé par le ministère de l’Intérieur » devraient éviter de connaitre cet été le chaos de l’année dernière.